AVRIL - MAI 2020

Coronavirus : Gestion de crise ou scandale d’État ?

par Roland LOMBARDI


Si l’heure est à l’unité, les questions doivent toutefois être posées quant à la gestion de la pandémie. Des confessions d’Agnès Buzyn au journal Le Monde à l’affaire de la chloroquine, Roland Lombardi revient ainsi sur les couacs, les mensonges et les défaillances d’un exécutif qui n’a pas su anticiper la crise, et qui peine encore aujourd’hui à adopter une ligne claire.

Nous ne reviendrons pas ici sur la gestion catastrophique, depuis un mois, de la pandémie du Covid-19 par notre gouvernement. Nous ne reviendrons pas davantage sur l’arrogance et le manque total d’anticipation de l’équipe d’ « amateurs » (et fiers de l’être !) qui nous gouverne.
Une condescendance et une légèreté criminelle qui ont eu pour conséquence la minimisation d’une épidémie qui annonçait pourtant une crise sanitaire sans précédent. Nous avons ainsi eu droit à une série inouïe d’incohérences irresponsables, d’hésitations et de cafouillages marqués par des déclarations de ministres en décalage avec la réalité.
Rappelons que pour voir enfin s’appliquer des mesures concrètes, jusqu’au lundi 16 mars et à la déclaration présidentielle sur le confinement, il ne s’est presque rien passé... !
Jusqu’à cette date (soit plus d’un mois après l’alerte chinoise !), il y a eu, il est vrai, quelques interdictions de certains rassemblements, mais paradoxalement le maintien, en pleine crise, des matchs de football avec des équipes italiennes.
Aucune annulation des vols provenant de Chine, toujours pas de fermeture des frontières et aucun contrôle sanitaire dans les aéroports !
Puis des appels à la « distanciation » sociale et à la prise de conscience des Français alors que les élections municipales étaient maintenues le dimanche 15 mars !
Ne parlons pas non plus du manque fatal de lits en soins intensifs (3 lits d'hôpitaux pour 1.000 habitants contre 6 en Allemagne, d’où peut-être le nombre de décès beaucoup moins élevé outre-Rhin) à cause d’un système hospitalier cassé par des décennies de réorganisation technocratique de la santé publique.
N’évoquons pas non plus le manque impardonnable de gel hydro-alcoolique, de respirateurs artificiels, de tests de dépistage (réservés principalement à des personnalités publiques alors que l’Allemagne effectue sur l’ensemble de sa population 500 000 tests par semaine !) et bien sûr la pénurie de masques de protection pour les soignants, la police et la population. Masques qui un jour « ne servent à rien », puis redeviennent, le lendemain, indispensables et de nouveau inutiles le surlendemain, ce qui amènera, lors d’un point presse, le professeur Salomon, directeur général de la Santé, à inviter solennellement les particuliers à ramener leur éventuel surplus de masques dans les services hospitaliers !
Devant tant d’incohérence, on croit rêver !
Illustration, malheureusement, du fait que notre pays était en train de se « tiers-mondiser »! Si on ajoute à cela, les nombreux couacs gouvernementaux, les injonctions contradictoires, les opérations de communication foireuses et les déclarations ubuesques de la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, les Français ont de quoi s’inquiéter...

De Buzyn à la chloroquine : des défaillances qui relèvent du scandale
d’État

Au final, la seule mesure, certes efficace mais prise dans l’urgence et la précipitation par nos responsables, a donc été l’assignation à résidence de tout un peuple ! 
Ce fameux confinement qui, dans la droite ligne de ce gouvernement, toujours aussi fort avec les faibles mais lamentablement faible avec les forts, ne concerne bien évidemment pas les « racailles »’ des quartiers sensibles. Pour Laurent Nuñez, le secrétaire d’État du ministère de l’Intérieur, ces zones « ne sont pas une priorité », la police ayant reçu l’ordre de ne pas y intervenir pour ne pas créer de problèmes …
Et puis il y a les récentes déclarations, dans les colonnes du Monde, de l’ancienne ministre de la Santé Agnès Buzyn, sur ses avertissements non entendus par ses collègues …
Des plaintes de médecins contre le Premier ministre et l’ex-ministre ont ainsi été déposées, auxquelles vont s’ajouter des commissions d’enquêtes parlementaires qui ne manqueront pas d’être diligentées par l’opposition... Car les manquements graves, comme les mensonges à répétition (sur le nombre de morts, les tests, les masques...) et les défaillances de l’exécutif font malheureusement partie d’une liste non exhaustive qui relève du scandale d’État !
Il y a enfin l’affaire de la Chloroquine…
Cette molécule, utilisée depuis près de 70 ans contre le paludisme - dont les effets secondaires sont parfaitement identifiés et maîtrisés -, associé à un antibiotique, serait efficace pour venir à moindre coût à bout du Covid-19. C’est ce qu’affirme depuis plus d’un mois l’infectiologue et professeur de microbiologie Didier Raoult, fondateur de l’Institut hospitalo-universitaire en maladies infectieuses de Marseille. Le traitement intéresse en effet de nombreux pays d’Asie ainsi que l’Inde, le Maroc, le Sénégal, l’Arabie saoudite, Israël et même les États-Unis, où Trump essaie de l'imposer à son propre establishment...
La Russie, quant à elle, vient d'annoncer qu'elle adoptait comme traitement thérapeutique de base contre le virus, un autre antipaludéen...
Mais voilà, en France, au plus haut sommet de l’État, le protocole de soins du savant marseillais (qui préconisait également un dépistage massif et généralisé plutôt qu’un confinement général) a été loin de faire l’unanimité.
Nous avons ainsi assisté à une véritable levée de boucliers de la part de la haute fonction publique et des conseillers scientifiques d’Emmanuel Macron. Devant les hésitations, les tergiversations et la polémique grandissante, le professeur Raoult a fini par claquer la porte du Conseil scientifique le mardi 24 mars.
Dans le même temps, il était la victime d’une campagne de diffamation relayée par certains médias mainstream et les instances médicales parisiennes, ainsi que d’attaques sur sa personne (il a été menacé de mort !).
Ce que nous savons pourtant tous désormais, c’est que le savant de 68 ans est loin d’être un « charlatan » ou un « fou furieux » comme on voulu le faire croire certains de ses détracteurs, d’ailleurs souvent proches du pouvoir. Iconoclaste, aux allures de druide gaulois «réfractaire», tout droit sorti d’un album du regretté Uderzo, Didier Raoult est connu pour ne pas mâcher ses mots ! Sorte de « Dr House » cynique et hautain, il est surtout, quoi qu’on en pense, l’un des plus grands infectiologues de la planète, une sommité mondiale dans son domaine. Une véritable « star ».
Cloîtrés chez eux et légitimement paniqués, des centaines de milliers de Français ont rejoint les dizaines de groupes créés sur Facebook pour défendre et soutenir l’expert marseillais, véritable catalyseur de leurs espoirs. Des pétitions ont même vu le jour. Des médecins et des élus, notamment du Sud, traités par le protocole de Raoult, sont montés au créneau pour convaincre Matignon et l'Élysée. Philippe Douste-Blazy, docteur en médecine, ancien ministre de la Santé et ancien secrétaire général adjoint des Nations unies, a lancé un appel solennel au président afin qu’il permette « à tous les médecins français, qu’ils soient hospitaliers ou libéraux, de prescrire, s’ils le souhaitent, en leur âme et conscience, [de l’hydroxychloroquine] aux malades atteints de Covid-19, sachant que plus tôt le traitement sera donné, plus il sera efficace ».
Pourtant, à l’heure où sont écrites ces lignes (le 28 mars), nos responsables politiques auront eu bien du mal à trancher de façon claire quant à son utilisation ...
Alors que les urgences sont de plus en plus saturées et que le nombre de morts grandit chaque jour, le gouvernement démontre, ainsi, une fois de plus, toute son impéritie.
En temps de « guerre », comme le dit si bien notre président, ne faut-il pourtant pas faire preuve de réactivité, de pragmatisme et surtout d’efficacité ?
Avec le scandale de la Chloroquine, nous assistons une nouvelle fois à une gestion erratique et à d’impardonnables cafouillages. En effet, le traitement de Raoult a été d’abord fortement critiqué par les autorités françaises alors qu’aucun autre remède n’était proposé. Puis, dans le cadre du programme Discovery, chargé de tester tous les remèdes potentiels contre le COVID-19, le délai accordé à l’étude de la molécule du professeur a été timidement réduit de 6 à 2 semaines. Ensuite, le 25 mars, le lendemain de son départ avec fracas du Conseil scientifique, Emmanuel Macron (sur les conseils de son épouse, Brigitte !!!) l’a rappelé!
Ainsi, le 26 mars, un décret était publié au Journal officiel (JO), autorisant la prescription de chloroquine aux malades du Covid-19 dans les établissements de santé. Or, nouveau rebondissement 24h plus tard, le gouvernement décide finalement de rectifier son texte !
Au final, d’après le nouveau décret, si l'hydroxychloroquine et l'association lopinavir/ritonavir peuvent toujours être prescrits par les établissements
de santé recevant des personnes infectées au coronavirus, cette médication ne pourra désormais se faire qu’« après décision collégiale, dans le respect des recommandations du Haut conseil de la santé publique et, en particulier, de l'indication pour les patients atteints de pneumonie oxygéno-requérante ou d'une défaillance d'organe» !

L’ombre d’un puissant laboratoire américain ?

La France est-elle la victime d’une bureaucratie sclérosée par de hauts fonctionnaires hors sol ? Y a-t-il un mépris de la part de certains experts parisiens envers leurs collègues de province ? Existe-t-il un conflit d’ego ou de personnes ? Il est vrai que les rapports confinent à la détestation entre l’irrévérencieux microbiologiste marseillais, Agnès Buzyn et son mari Yves Lévy, longtemps aux commandes du ministère de la Santé et de l’Inserm, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’establishment médical par excellence qui avait retiré son label à l’IHU de Marseille... 
Ou alors, plus grave, sommes-nous les victimes de conflits d’intérêts ou de pressions sur l'Élysée venant des puissants groupes et laboratoires pharmaceutiques qui voient d’un mauvais œil l’utilisation d’un traitement peu onéreux pouvant faire de l’ombre à un futur vaccin, plus cher et donc plus lucratif ?...
Sur ce point, l’ancien haut fonctionnaire et essayiste, Eric Verhaeghe, a évoqué dans une récente enquête [1], la main d’un puissant et influent laboratoire américain, Gilead Sciences, qui œuvrerait en coulisse afin de promouvoir le Remdesivir, un antiviral actuellement testé dans le cadre de l'essai clinique Discovery...
Gilead, inscrit officiellement comme lobbyiste à l’Assemblée Nationale, aurait dépensé sur les 7 dernières années près de 65 millions $ pour asseoir son influence en France, tant auprès des praticiens que des institutions...
Didier Raoult et son IHU Méditerranée, dont le budget annuel est d’à peine 75 millions €, ne ferait donc clairement pas le poids face aux 100 milliards $ de capitalisation boursière, aux 22 milliards $ de chiffre d’affaires et aux 5 milliards $ de résultat net du géant pharmaceutique américain.

Macron, pas vraiment un chef de guerre

Si les principales qualités d’un bon chef sont sa résistance aux pressions, sa faculté à bien s’entourer, une forte capacité décisionnelle et enfin, son courage et son audace à bousculer, surtout en temps de crise, les pesanteurs administratives, force est de constater que notre président a pour l’instant tout faux ! 
Récemment, Emmanuel Macron a déclaré qu’« on se souviendra de ceux qui n’ont pas été à la hauteur »... Pense-t-il ne pas figurer sur la liste ?
On dit que le ridicule ne tue pas. C’est pourtant bel et bien ce qu’il est en train de faire ... Ainsi, aujourd’hui plus que jamais, l’exécutif semble naviguer à vue. Les Français ont légitimement de moins en moins confiance en lui, réalisant que le Covid-19 est peut-être finalement moins dangereux que ses actions erratiques !
Rassurons-nous. Dans le passé déjà, les responsables français ont toujours eu une guerre de retard comme au tout début de la Grande Guerre ou encore lors du fameux désastre de juin 1940.
Toutefois, la France a toujours surmonté les drames et les épreuves. Parfois avec des leaders providentiels mais souvent grâce aux « derniers maillons de la chaîne ». Ainsi, malgré le manque flagrant de moyens et de stratégie claire, c’est de l’abnégation de nos soignants et de la qualité de nos scientifiques que viendra sûrement notre salut.

R.L.

RÉFÉRENCE

1. https://lecourrierdesstrateges.fr/2020/03/28/laffaire-didier-raoult-est-elle-une-nouvelle-affaire-black-rock/?fbclid=IwAR33UpguCKftaNg7qwiQgBhh_Dt86iYadKsfRzV6n3mgrY5iqxwGmHNGGHo

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