Quand Human Rights Watch veut faire la leçon au Maréchal Sissi
par Rorik DUPUIS VALDER
Au sujet de l'Égypte politique contemporaine — qui semble obséder les journalistes désœuvrés en mal de barouf oriental et d'injustices à faire enfler —, il devient désespérant, et désormais révoltant, de devoir retrouver ici et là, dans les organes de presse officiels de la bien-pensance et du démocratisme le plus borné, cette éternelle rengaine, imbécile et profondément lassante, des « atteintes aux droits de l'homme », tendant immanquablement à la même victimisation et martyrisation systématique de militants d'une sacro-sainte « liberté », concept égalitariste culturellement incompatible, de facto, avec le fonctionnement des sociétés tribales du monde arabe.
Heureusement l'on peut compter sur l'exigence et la voix de journalistes intègres et curieux, d'historiens, d'égyptologues ou d'économistes passionnés et reconnaissants, pour contribuer au précieux effort de recherche esthétique et de ré-information à la marge d'une machinerie médiatique qui n'aura de cesse de criminaliser toute incarnation de l'autorité masculine ou d'un prétendu patriarcat traditionnel préférant effectivement — à l'image de l'indéfectible « intolérance démocratique » de Poutine par exemple — la protection de l'enfant et de la collectivité à la légitimation de la névrose et l'hystérie individualisante. C'est, avant tout, par la réflexion, l'échange courtois et l'intelligence pratique qu'il nous appartient de résister solidairement à cette mise au pas néolibérale généralisée, sous les artifices de l'internationalisme coloré, destructeur des nations et des identités au profit de ses seuls auteurs...
Human Rights Watch, Amnesty International, mais quels sont donc ces puissants organes tentaculaires de police démocratiste internationale, prédicateurs autoproclamés des droits de l'homme à travers le monde, qui n'hésitent jamais, dès que le soupçon d'une occasion s'en présente, à se servir du sang du scandale et d'une mauvaise foi obtuse et partisane pour alimenter un pseudo-combat de défense des opprimés en terre de résistance à l'empire atlantiste, alimentant volontiers, par l'arrogance faussement paternaliste de la démarche, de dangereuses tensions diplomatiques et raciales entre les peuples ?
Pour rappel, ce que l'on présente aujourd'hui comme l'organisation non gouvernementale de défense des droits humains « Human Rights Watch », figure de proue de l'ingérence éthique et libérale à travers le monde, dont la position est systématiquement relayée et validée par la presse officielle internationale à l'occasion d'éventuelles « violations » desdits droits par un gouvernement ou une autorité quelconque, n'est autre que la fusion publicitaire, en 1988, des différents comités régionaux Asia Watch, Africa Watch et Middle East Watch créés à la fin des années 80, et du discret Helsinki Watch, officine américaine de délation européenne dédiée à la surveillance de la bonne application par l'ex-URSS des Accords d'Helsinki de 1975 (censés entériner la nature des relations entre Est et Ouest au cœur de la Guerre Froide), fondée en 1978 par les deux activistes Robert Louis Bernstein, diplômé d'Harvard, et Aryeh Neier (notamment président de 1993 à 2012 du réseau philanthropique de l'Open Society du milliardaire Georges Soros), alors financée par la Fondation Ford.
Robert Louis Bernstein
Aryeh Neier
Human Rights Watch se distinguera tout particulièrement par sa pédagogie et sa bienfaisance universalistes (...) à l'occasion de la guerre de Bosnie-Herzégovine au début des années 90 en s'engageant, aux côtés d'Amnesty International (fondée en 1961 à l'initiative de l'avocat britannique Peter James Henry Solomon entre autres), en faveur d'une intervention militaire pour y assurer le « bon acheminement de l'aide humanitaire » ; son directeur Kenneth Roth (que R. L. Bernstein sermonnera cérémonieusement pour ses critiques un peu trop appuyées au sujet des nombreuses violations du droit international par l'État d'Israël notamment) légitimant en ces termes l'opération au nom de l'organisation : « Face à l'impératif que constitue la répression et la prévention des génocides ou de tout autre massacre systématique de populations, le recours à la force armée est parfois justifié »...
Des organisations non gouvernementales, simples « associations à but non lucratif », qui entendent imposer le respect des droits humains à l'autre bout du monde par les armes plutôt que par les mots, trahissant toute espèce de confiance en la collectivité civile et d'espoir en l'effort diplomatique, ne conviendrait-il pas de voir là, à bien y réfléchir, quelque syndrome du « pompier pyromane » ? Pire encore, une entreprise d'opérations souterraines sous fausse bannière ? Comment évaluer, en temps de guerre, de massacres et de chaos, la chronologie réelle des faits et la responsabilité directe des uns et des autres quant aux pertes humaines à déplorer ? Qui est, finalement, le plus génocidaire des belligérants ?
L'on s'apercevra que, depuis l'épisode des conflits ethniques de Bosnie-Herzégovine, les organisations telles Human Rights Watch, Amnesty International ou Care International (qui estimera elle aussi, dans le contexte de la dernière guerre d'Afghanistan, que « la force militaire peut jouer un rôle décisif dans la facilitation de l'aide humanitaire », arguant le principe fumeux et trop équivoque de Responsability to Protect), ne feront qu'appuyer toujours plus l'argument de réponse armée à d'éventuelles violations des droits de l'homme, enjoignant presque les Nations Unies de revoir leur copie quant à la légitimation d'interventions militaires « à des fins humanitaires » ; ce qui, éthiquement, constitue déjà en soi un contre-sens fondamental, traduisant là une intention antinomique des plus douteuses : aider par la violence ? À quel prix ? Dans l'intérêt de qui ?
L'on peut s'interroger en effet sur l'influence — meurtrière — prise auprès des États soumis ou complices par ces ONG prétendument « philanthropiques » qui, telles des délatrices colonialistes internationales et fautrices de guerre médiatiques (le féminin a ici toute son importance dans sa faculté de dissimulation ; la nouvelle de milliers de morts étant toujours plus supportable à entendre de la bouche d'une speakerine aux yeux doux...), se font systématiquement le relais, sous le prétexte imparable et trop arrangeant de « défense des droits de l'homme », de situations, d'exactions, ou — plus insidieux encore —, d'« estimations » que personne n'est en mesure de contredire puisque les chiffres et les informations annoncés, images éloquentes à l'appui, devraient se suffire à eux-mêmes, incitant massivement et unanimement (sans contradiction autorisée sous peine de « déni » de crimes...), à la compassion populaire et la révolte des âmes manipulées envers un ennemi fabriqué de toutes pièces... Ou comment faire accepter aux gens le sang versé pour les intérêts d'une élite décisionnaire...
Ce ne sont pas tant les chiffres et les mots, aussi fallacieux soient-ils, qui suffisent à déclencher les guerres, mais plutôt la soumission et l'impossibilité de validation ou de critique des informations communiquées dont est victime la population. Il semblerait que ce soit là le leitmotiv de la diplomatie états-unienne des trois dernières décennies, Clinton et Bush en tête, avant que ne s'ouvre l'étrange et surprenante période Trump. La « démocratie », pouvoir du peuple, pourrait-elle donc être apportée à ce même peuple jusque sous la menace des canons ?
Si, en application des textes, le « génocide » d'une population devait justifier des opérations armées en terre étrangère, au nom du respect des « droits de l'homme », comment se convaincre de la réalité d'une situation d'avant-guerre, de son nombre annoncé de victimes, de la nécessité comme de la légitimité d'une intervention militaire extérieure — dont on sait qu'elle amènera toujours plus de morts, civils et soldats —, à des milliers de kilomètres, sinon en devant se fier à un discours officiel d'État, étayé par des médias unanimes et la complicité belliciste d'organisations indépendantes œuvrant en faveur de la défense de l'humain ? Mais de quel humain parle-t-on au juste ?
R.V.
MÉTHODE RECOMMANDE
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