Le problème n’est pas le rejet de CO2 mais la sauvegarde de la biodiversité
par Samuele FURFARI
Alors que le Pacte vert européen devient la pierre angulaire de la relance économique au sein de l’Union, le professeur de géopolitique de l'énergie juge que le problème écologique est souvent mal posé. La neutralité carbone d’ici 2050 est un espoir irréaliste, mais l’important est d’abord de protéger la nature, plus que d’éliminer à tout prix les rejets de carbone.
La crise du Covid-19 est venue chambouler les débats sur le Pacte vert de l’UE, qui sera désormais au cœur de la relance européenne. Beaucoup pensent que cette crise est une bonne occasion, grâce au flot d’argent public déversé «par hélicoptère», d’abandonner une bonne fois pour toutes les «odieuses» énergies fossiles pour arriver à zéro émission de CO2 d’ici 2050.
Ce ne sera toutefois pas si simple, puisque grâce aux avantages intrinsèques dus à leur densité énergétique, elles représentent encore 84 % de notre consommation. Il faut donc «mettre le paquet» pour subventionner encore plus les énergies vertes, essentiellement le solaire et l’éolien - dont la France prévoit une multiplication par 2,25 de la puissance installée.
Sans oublier le vieux rêve de l’hydrogène, dont la Commission européenne parlait déjà avant les crises pétrolières. Quoi qu’il arrive, le bilan carbone sera pratiquement le même en France, en Allemagne, en Espagne et en Belgique, puisque l’éolien et le solaire ne vont que grignoter la part du nucléaire… qui n’émet pas de CO2.
Bien que marginalisés dans les médias, certains estiment toutefois que la «neutralité en carbone» en 2050 est une utopie, car les coûteux efforts européens ne vont pas compenser la croissance des émissions du reste du monde. En effet, depuis l’adoption en 1992 de la Convention climat de l’ONU, les émissions de CO2 mondiales ont augmenté de 58 %. Et ce, malgré une diminution de 21,3 % dans l’UE, dont une grande partie est due à la chute des économies socialistes en Europe de l’est. Pendant ce temps, le Vietnam, le Bangladesh, l’Inde et la Chine ont augmenté leurs émissions de CO2 respectivement de 1.157 %, 709 %, 311 % et 305 %.
Le CO2 est le vecteur du vivant, sans CO2 pas de vie et c’est donc une aberration de parler de « pollution » au CO2.
Est-ce pour autant qu’il faille tout rejeter dans le pacte vert européen ? Non, bien entendu ! En particulier la volonté de réduire les pertes énergétiques dues à l’inefficacité de nos systèmes, notamment dans nos bâtiments.
Il y a longtemps que l’UE aurait dû recommander à ses États membres que l’argent dépensé sur les toits pour produire 0,5 % de notre demande d’énergie primaire soit utilisé sous les toits en les isolant pour éviter les déperditions de chaleur. Le pétrole, et bientôt le gaz, peu chers, ne vont pas aider les choses.
Des crédits d’impôts pour les particuliers, voire la suppression de la TVA, seraient bien plus payants que de nouvelles mesures réglementaires inefficaces et bureaucratiques.
Un autre domaine-clé, dans ce pacte vert européen, mérite toute notre attention : la biodiversité, qui est la véritable victime de la pollution. La confusion résulte de la volonté délibérée des activistes à faire passer le CO2 pour de la pollution. Le CO2 est le vecteur du vivant, sans CO2 pas de vie et c’est donc une aberration de parler de «pollution» au CO2. En revanche, la véritable pollution, notamment des sols, de l’atmosphère et de l’eau, est à combattre impitoyablement.
Nous avons tous été surpris par l’impact que peut avoir un virus sur l’économie mais plus encore sur son terrible caractère mortifère. Un article de Nature nous avertissait déjà il y a dix ans que préserver des écosystèmes intacts et leur biodiversité endémique devrait, en général, réduire la prévalence des maladies infectieuses. En d’autres termes, la perte de biodiversité augmenterait les risques de transmission des maladies, comme le confirmait récemment une étude australo-californienne. Ne devrions-nous pas consacrer plus de ressources à la protection et la restauration de la nature pour éviter la propagation des zoonoses et ainsi mieux nous prémunir ?
Le leadership mondial qu’ambitionne l’UE à la COP-15 de la convention de l’ONU sur la biodiversité dépendra de notre capacité à donner l’exemple en intensifiant nos actions sur le terrain.
En outre, les services que nous rendent la nature n’ont pas de prix, notamment dans l’agriculture et l’agroalimentaire, voire la construction. C’est aussi notre meilleure alliée pour nous adapter au changement climatique qu’il soit naturel ou non. En 1992, l’UE a lancé LIFE, le programme européen consacré, entre autres, à la nature et la biodiversité. Lors de sa Green Week en octobre prochain, la Commission européenne publiera un bilan détaillé de LIFE en matière de restauration de la nature et de protection de la biodiversité. On peut déjà dire que ses 5.400 projets accomplis en partenariat entre les autorités publiques, la société civile et les entreprises, ont permis de faire la différence, notamment en ce qui concerne la protection des espèces animales et végétales en grand danger d’extinction.
C’est cette expérience de 28 ans à travers les communautés locales en Europe qui a nourri la préparation d’un plan européen de restauration de la nature, au cœur de la stratégie en faveur de la biodiversité récemment présentée par la Commission européenne. Ce plan ambitieux inclut des objectifs en matière de restauration des cours d’eau, d’utilisation de pesticides, de protection des oiseaux et insectes en milieu agricole et d’amélioration de la conservation des habitats et des espèces protégés.
Stopper la perte de biodiversité et restaurer l’état de la nature sont des éléments essentiels de la relance verte de l’Europe. Le leadership mondial qu’ambitionne l’UE à la COP-15 de la convention de l’ONU sur la biodiversité dépendra de notre capacité à donner l’exemple en intensifiant nos actions sur le terrain. L’argent que l’UE et ses États membres consacrent aux énergies dites «vertes» pour limiter les émissions de CO2 ne sert strictement à rien pour la nature. En revanche, ces mêmes sommes faramineuses placées dans des programmes de protection et de restauration de la nature non seulement amélioreraient la qualité de vie des citoyens européens autour d’une nature préservée, mais pourraient également satisfaire les nombreux Européens et les communautés locales soucieuses de protéger la nature et de combattre la pollution (la vraie).
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