par Erwan CASTEL
Depuis plus de 2 ans l'armée ukrainienne frappe le Donbass, semant la mort et la désolation sur cette terre noire à la croisée de l'Europe et de l'Eurasie, mais le terrorisme d'Etat des nouveaux maîtres de Kiev n'a pas entamé la détermination de ce peuple forgé dans les feux de l'Histoire à vouloir vivre libre dans l'héritage de ses traditions. Bien au contraire, les orages d'acier des soudards de Kiev ont révélé la force et la noblesse de ce peuple purifiées et transmutées comme le feu d'un athanor.
Il y a dans la langue bretonne des racines étymologiques qui révèlent un héritage culturel et même spirituel de ce peuple celte. Ainsi les mots « ANken » (l'angoisse), ANkoun (l'oubli) et ANkou (la Mort) s'associent-ils pour illustrer le terrible fardeau de la destinée humaine : « La peine de l'homme (anken) condamné à l'oubli (ankoun) va le jeter à la mort personnifiée (Ankou) » rappelait l'écrivain régionaliste Anatole Le Braz.
Naturellement toutes les sociétés traditionnelles vont lutter dans des rêves d’éternité contre cette angoisse et cet oubli pour que la Vie soit plus forte que Mort et certaines d'entre elles par leurs traditions et leur Histoire vont illustrer avec grandeur cette force de vivre qui élève l'âme humaine vers un enchantement perpétuel du Monde, même au cœur des pires épreuves de souffrance.
Le peuple russe du Donbass est à ce titre exceptionnel, et il incarne avec noblesse ces valeurs de courage et d'espérance qui donnent aux hommes libres la capacité de rester debout dans les épreuves de la Vie et les tempêtes de l'Histoire. Lorsqu'on vient dans le Donbass, on est stupéfait de voir la vie continuer dans toute sa beauté malgré les feux des canons qui embrasent son horizon immédiat et animent quotidiennement les hôpitaux et les cimetières. Des transports en communs qui assurent leurs services jusqu'au tranchées, aux commerces qui restent ouverts sous les bombardements, ce qui de prime abord pourrait-être considéré comme de l’insouciance suicidaire, révèle en fait une capacité de résilience et un courage magnifiques qui caractérisent ce peuple héroïque.
Ce comportement exemplaire qui a offert la victoire aux Républiques du Donbass peut en partie être expliqué par l'identité naturelle, culturelle et historique de cette région.
En effet la force qui permet aux miliciens et leurs familles de résister à l'agression génocidaire de Kiev est alimentée par l'Histoire d'un pays durement touché par les guerres du passé, par la Foi orthodoxe qui garde l'espérance intacte au fond des cœurs meurtris, et par cette Nature aussi dure que généreuse qui impose aux hommes sa loi au rythme de ses saisons...
Mais de toutes ces sources du courage il y a en a une qui certainement joue un rôle majeur dans l'identité du Donbass et qui a donné à son peuple cette mentalité invincible : ce sont les mines…
Le Donbass est une des régions métallurgiques les plus importantes d'Europe et nombre de villes et de villages sont nés autour de ses puits de mines qui entraînent quotidiennement les ouvriers à des profondeurs vertigineuses (près de 1000 mètres).
L'Histoire économique mais surtout les difficultés et les dangers de ce métier infernal ont forgé la mentalité des individus et des familles mais surtout l'identité collective d'un peuple dont l'activité industrielle, vitale pour l'économie a été légitimement glorifiée pendant les décennies de l'ère soviétique.
Lorsque sur les bords de la Mer Noire sont découvertes les première mines de charbon en 1820, ce territoire des Cosaques du Don et de Zaporodje va voir l’ère industrielle transformer complètement son destin. La ville de Donetsk est fondée quelques années plus tard en 1869 autour d'un centre industriel créé par un gallois du nom de John James Hughes, dont le patronyme inspire le premier toponyme donné à cette ville minière : « Iouzovka ». En 1920, au début de l'ère soviétique cette ville, devenue le chef lieu de l'Oblast prend le nom de « Stalino », nom qu'elle conservera jusqu'en 1961 ou elle prendra le nom de Donetsk.
Pendant la Seconde guerre Mondiale, la ville (rebaptisée Jusowka par l'occupant nazi) est très durement éprouvée par l'occupation (de 500 000 sa population passe à moins de 200 000 habitants). Un ghetto (liquidé en 1942) et un camp de concentration vont stigmatiser la ville dont de nombreux hommes ont rejoint les rangs de l'Armée rouge. La région sera le théâtre de violents combats de chars avant d'être libérée en septembre 1943.
L'activité minière qui avait été ralentie pendant la guerre reprend à la libération sa croissance et fait de Donetsk la première région industrielle et économique à l'intérieur de l'Ukraine administrative. A la fin du XXème siècle, et malgré l'effondrement post soviétique de l'Ukraine, Donetsk, qui atteint 1 million d'habitants, maintient une croissance économique qui en fait la première ville en terme d'investissements financiers.
Lors des premiers combats à Slaviansk, Lugansk et Donetsk, nombre de mineurs vont rejoindre alors les rangs de la milice, troquant les outils contre les armes récupérées dans les casernes qui ont dès les premiers jours rallié la rébellion. Beaucoup de ses « gueules noires », animées par un courage hérité dans l'antre profond de leur sanctuaire et forgé dans le feu des hauts fourneaux, vont stopper au prix de lourds sacrifices les chars qui menacent leurs familles dans cette guerre absurde menée par des criminels aux ordres de Washington (l'« Opération spéciale antiterroriste » sera lancée le lendemain de la visite du Directeur de la CIA à Kiev).
Depuis, beaucoup des mineurs sont retournés rejoindre leurs camarades restés dans les galeries et les usines, car la vie économique ici doit continuer pour vivre et survivre à la guerre. Et ces mineurs déjà menacées dans leur quotidien par les accidents, les « coup de grisou » et les maladies professionnelles continuent depuis leur travail sous les bombardements, luttant à leur manière contre l'agression génocidaire des chiens enragés du Maïdan.
Cette mentalité à la fois dure et généreuse est une caractéristique de l'harassant travail d'équipe imposé aux mineurs depuis les profondeurs obscures de la Terre jusqu'aux flammes des forges métallurgiques, mais c'est surtout une force invincible qui est transmise de génération en génération à toutes les familles jusqu'à l'ensemble de cette population vivant à l'ombre des terrils.
Aussi, chaque dernier week-end du mois d'août, la population de Donetsk célèbre ses mineurs, fondateurs de leur belle ville et artisans de la Victoire, et aujourd'hui, à travers cet hommage à la fois solennel et festif, le Donbass offre aux criminels qui se massent devant les remparts de leur cité toute la force et leur joie de vivre que nul ne pourra jamais vaincre.
C'est pourquoi, dans les districts bombardés de la ville de Donetsk, la vie continue, avec ses peines mais aussi ses joies comme ici dans le quartier de Lenninsky, lors d'une fête de quartier réalisée la veille de celle donnée dans le centre ville en l'honneur des mineurs du Donbass.
E.C.
Saisissez votre adresse mail dans l'espace ci-dessous : c'est gratuit et sans engagement
Partager cette page