par Ambre MAURICE
Auguste Montaudon (ou Monthodon) peut légitimement apparaître comme un illustre inconnu. Pourtant, cet homme qui va se distinguer durant les combats de la Grande Guerre et va être cité à l’ordre de la Division pour son mépris du danger, est mon trisaïeul par mon père. En cette période de commémoration de la Première Guerre mondiale, il m’est apparu utile de retracer la vie de cet homme exceptionnel.
Livret Matricule Militaire
Après une visite d’incorporation faite à Tours le 1er avril 1917, Auguste est appelé à intégrer son régiment d’affectation le 3 mai 1917. Mais à la date prévue, celui-ci est malade et bénéficie, par un médecin militaire d’un sursis de 30 jours, sursis prolongé de 15 jours, le 3 juin. C’est donc le 17 juin 1917 qu’Auguste Montaudon rejoint la caserne Desjardins à Angers pour percevoir son paquetage de soldat de 2ème classe du 135ème Régiment d’Infanterie. Après une formation militaire des plus élémentaires comprenant notamment une marche de 80 km, du tir et des entraînements au lancer de grenades, il rejoint en train son régiment d’affectation.
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Du 10 au 27 août, il peut parfaire son instruction au camp de Saffais. A l’issue, le régiment se déplace sur le secteur de Xermaménil puis de Marainvillers. Le 4 septembre, le Régiment relève le 125ème R.I. dans la forêt de Parroy, où il termine l'année. Le secteur est très calme et le 135ème R.I. le réorganise suivant les méthodes nouvelles. Chaque nuit, de nombreuses patrouilles ont lieu (jusqu'à 55 sur un front de 6 kilomètres) et les seuls incidents à signaler sont des rencontres de patrouille à patrouille, et les tirs de harcèlement de l'Artillerie de campagne et de l'Artillerie de tranchée. L’année 1917 sera finalement l’année la plus « calme » de ce conflit pour le régiment.
Le 12 janvier 1918 , le régiment revient dans la région de Saffais-Rosières et y reste jusqu’à la fin du mois. Il part ensuite effectuer des travaux sur la deuxième position dans le secteur de Hoeville, Remereville, Courbessaux. Le 23 mars, le régiment est alerté et transporté en auto dans la région de Baccarat. Le 14 et 15 avril, il va occuper le secteur d’Esclainvillers où il restera jusqu’au 30 mai ; malgré les tirs d’obus toxiques, malgré la fatigue et l’épuisement le régiment tient. L’aviation allemande est particulièrement active, mais ils ont le plaisir de voir plusieurs avions allemands tomber dans leurs lignes.
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Le 11 juin, à 10 h 30, le régiment montant sur la croupe de Méry franchit la base de départ, ses trois bataillons en profondeur dans l’ordre 3ème, 2ème, 1er, 1 500 mètres nous séparent de l’ennemi bien protégé par un barrage de gros calibres. Le régiment reformé dernièrement avec un gros renfort de jeunes de la classe 18 se montre d’une bravoure indomptable.
L’ennemi qui se voit enlever l’initiative du combat oppose une résistance acharnée, malgré de violents tirs de mitrailleuses, malgré les feux de barrages, malgré la destruction des chars d’assaut qui sont en grand nombre la proie des flammes, Méry est dépassé vers 14 heures. Nos troupes tiennent bon, les contre-attaques furieuses des Allemands se brisent sur la barrière désormais infranchissable de l’armée Mangin. Paris est sauvé !
Après ce coup terrible, le régiment part au repos dans la région de Campreny-Bonvilliers ; Le 6 juillet il remonte en ligne près de Grivesnes. Le 23, à 5 h 45, avec un élan superbe, le 135ème attaque Aubvillers, le 2ème bataillon face au village, le 1er au nord et le 3ème en soutien. A 6 h 25, après de durs combats le village est occupé par le 2ème bataillon. Cette journée vaut au 135ème une citation à l’ordre de l’armée. Le 9 août, à 12 h 45, le 135ème, 2ème bataillon en tête se porte à l’attaque du bois Raoul Lemaire et du parc de Davenescourt. Malgré des efforts répétés, le bois Raoul Lemaire ne peut être atteint avant la nuit à cause du nombre considérable de mitrailleuses ennemies.
Fernande Joveau, sa marraine de guerre
Mais être dans le 135ème RI ne laisse que peu de temps aux distractions et Auguste, au sein du 2ème Bataillon est bien souvent dans une nouvelle garnison avant que le courrier de sa marraine n’arrive…
Ainsi, marchant sur de nouveaux objectifs, les bataillons du 135ème R.I. atteignent Becquigny, passent l'Avre, traversent le bois de la Famille et atteignent Marquivillers par le ravin ouest de la cote 97. Ils enlèvent le village, mais ne peuvent en déboucher l'ennemi, celui-ci tenant fortement la croupe d'Armancourt et tout le système des anciennes organisations françaises.
Le 15 août 1918, les hommes du 135ème arrivent aux environs de Laucourt avec mission de reprendre cette ville. Le 16 août à 7h 30, les soldats du 135ème R.I. s’infiltrent par boyaux jusqu'à l'ancienne première ligne allemande et les deux bataillons de tête (3ème à droite, 2ème à gauche) se mettent à la poursuite de l'ennemi. Les hommes, surexcités par la retraite des Allemands, malgré un barrage violent, malgré les avions qui, à 150 mètres de haut, les mitraillent, malgré la chaleur très forte, passent en trombe et s'approchent, après un nouvel assaut, à 16h 30, jusqu'aux lisières de Laucourt.
ceux du 135ème RI qui furent faits prisonniers, forcèrent tellement par leur résistance l'admiration de l'ennemi, qu'il eut pour eux des égards inaccoutumés. Le Régiment sera une nouvelle fois distingué pour son courage et Auguste Monthodon cité à l’ordre de la Division.
Le 17 septembre, le 2ème Bataillon, reçoit l'ordre d'attaquer la cote 102, près de Contescourt. Après une préparation d'Artillerie de 30 minutes, les compagnies s'élancent d'un seul bond et progressent jusqu'à cent mètres environ des réseaux ennemis, mais le feu nourris de mitrailleuses éclatent soudain sur toute la ligne. Malgré l'énergie des Officiers et le courage des hommes, la progression semble impossible. Toutefois, malgré la très vive résistance de l'ennemi, après de vifs combats à la grenade, les lisières Sud-Ouest de Contescourt sont atteintes et le Régiment progresse vers les cotes 103 et 102.
La cote 102 entièrement débordée cède à son tour. L'ennemi bat en retraite précipitamment... Toutefois durant cette bataille, Auguste Monthodon reçoit une balle dans la cuisse et est évacué sur l’Hôpital de Saint-Quentin.
A partir du 16 octobre, le 135ème R.I. est mis à la disposition de la 15ème Division, pour prendre part aux attaques exécutées par cette unité sur Aisonville, Grougis.
A partir du 26 octobre, le Régiment se tient prêt à participer à l'action offensive de la 1ère Armée qui a pour mission de forcer le passage du canal de la Sambre à l'Oise. L'opération présente d'exceptionnelles difficultés; de très nombreuses mitrailleuses, des minenwerfer de tous calibres, une artillerie très active, une nombreuse garnison et le canal large de trente mètres, constituent des obstacles presque infranchissables. L'organisation de cette attaque retarde l'ordre d'opération jusqu'au 4 novembre. A l'heure H (5h 45), le 4 novembre, les compagnies s'élancent, nettoient les environs de la tête de Pont, en capturant quelques mitrailleuses et une trentaine d’Allemands.
Du 8 au 14 novembre, le 135ème R.I. reste sur ses emplacements de Larouillies-Grand-Bois et c’est donc de cette ville que chacun apprend avec joie l’armistice. Le 11 novembre, à 11 heures du matin, la grande souffrance, les privations, l’horrible cauchemar, le voisinage constant de la mort, tout cela ne semble plus que de l’histoire. Désigné pour faire partie des troupes d'occupation, le 135ème R.I. quitte Beauvais le 10 décembre 1918 et débarque en Haute-Alsace, à Sarre-Union. A son arrivée, il va occuper les cantonnements de Mackvillers. Après quelques jours de repos, le Régiment est mis à la disposition du Colonel Pinoteau, commandant le Territoire de Sarreguemines.
Après tant de fatigue et de travaux de toutes sortes, ce séjour au bord du Rhin, dans la vallée exceptionnellement riche, est apprécié de tous.
Les soldats, d'ailleurs, sentant l'importance de leur mission, se conduisent avec une dignité parfaite. Le change du mark leur donnant un petit avantage, ils peuvent se payer les quelques petites douceurs dont ils ont été privés pendant la guerre. Le 1er mai 1919, le Colonel Régnier-Vigouroux est obligé de se séparer du 135ème qu’il a conduit continuellement à la gloire, le Lieutenant-Colonel Boisselet prend le commandement du Régiment. Le 7 mai, le Régiment, changeant de secteur, va occuper le territoire de Simmern. A Castellain, le 2ème Bataillon, comme l’ensemble de la Division est en alerte. Tous sont prêts à envahir la zone neutre si l’Allemagne ne signe pas la Paix. Ainsi du 14 au 30 juin 1919, le 2ème Bataillon se prépare au combat dans la région de Wiesel.
Auguste achèvera son service au sein du 2ème Bataillon en se chargeant de garder des prisonniers allemands assignés à effectuer divers travaux de reconstructions et de réparations. Le 30 septembre 1919, ses problèmes de santé consécutifs aux différentes intoxications au gaz moutarde le font affecter successivement au 51ème RI, 18ème RI et 21ème RI où il sera enfin déclaré réformé pour une sclérose pulmonaire bilatérale, le 20 juillet 1920. Il rejoindra à l’été 1920 son épouse et conservera, sa vie durant un optimisme communicatif.
Il décèdera à Veretz, en Touraine le 17 mars 1991.
A.M.
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