Le territoire actuel de Makeyevka et d’une partie de Donetsk (jusqu’aux rives de Kalmius) a appartenu au district de Taganrog de l’Oblast de l'armée du Don avant la révolution
En 1897, à Paris, fut créée la Société générale des usines de fonderie de fonte, de production de fer et d’acier de Russie, dont les membres procédèrent à la construction de l’aciérie et de la cité ouvrière près du village de Dmitriyevskiy.
Le premier haut fourneau fut mis en service deux ans plus tard. Les premiers fours d'aciérie commencèrent à travailler en novembre 1899, et le train de laminoir - en décembre. L'entreprise fut équipée avec l’utilisation des technologies les plus avancées à l'époque. Étant donné que les investisseurs étaient français, ce sont des citoyens de ce pays européen qui furent à la direction de l'usine.
En novembre 1905, Henry Boyer, originaire de Bordeaux né en 1869 et diplômé de l'École d'Arts et Métiers d’Angers, vient à l'Usine de Makeyevka dans la fonderie pour le poste d’ingénieur. Boyer était déjà un spécialiste expérimenté, qui avait commencé sa carrière comme simple mécanicien et dessinateur, puis avait travaillé dans les fonctions d’ ingénieur au sein de plusieurs aciéries en France pour, finalement, participer à la construction d'une nouvelle usine dans le Pas-de-Calais. En 1901, Boyer et l’un de ses collègues ingénieurs, font un voyage d'affaires aux États-Unis, où ils étudient les particularités de la production d'acier. Son intégration dans l’usine du Sud de la Russie fut l’apogée de la carrière industrielle d’Henri Boyer. Il ne craignit pas de venir aux steppes de Donetsk mais sans famille à cause de la sécurité. On rappelle que ce fut cette même année que l'empire traversa sa première révolution russe.
Il est 8 heures, en ce 17 août 1912, quand une mauvaise nouvelle parcourt la colonie française. Des paysans du voisinage vont chercher un médecin de l’usine pour aider de toute urgence un Français grièvement blessé à la chasse. Il s'avère que cette victime est le Directeur Henri Boyer.
Lui avec un ami, également un ingénieur français, sont allés à la chasse tôt le matin. Cependant, alors Boyer montait dans la voiture, le fusil de son ami tire accidentellement une charge dans le dos du Directeur. Etant trop loin des endroits où il était possible de fournir des soins médicaux de qualité, Henry Boyer, agonisant, est transporté à l’hôpital le plus proche. Trois médecins français sont rapidement dépêchés mais tous déclarent que la blessure est très grave. Boyer n’a aucune illusion sur son sort et, aux amis qui se tiennent près de son lit, adresse un dernier : « Adieu ! ». Le Directeur de l'Usine de Makeyevka décèdera après cinq heures de souffrance. Il convient de noter que son partenaire de cette chasse malheureuse revint en France, selon des journaux, peu après l'accident tragique.
La dépouille du directeur de l’usine fut placée dans l’église catholique proche de l’usine puis fut rapatriée en France. Henri Boyer fut enterré le 1er septembre 1912 à Bordeaux. Lors de la cérémonie des funérailles Dani Fress, le chef du train de laminoir de l'Usine de Makeyevka, déclara que « le collectif de l'usine a décidé, en signe de respect et de mémoire, d'ériger un monument à l'endroit où le Directeur a été abattu ». Lors des funérailles, aux côtés de sa femme, ses trois filles et ses deux frères, assistaient l'ensemble des dirigeants de la société « Union », le maire de la ville de Bordeaux et d'autres hauts fonctionnaires.
Comme il a déjà été mentionné, l’Usine métallurgique de Makeyevka fut dirigée par les Français qui furent pour la plupart de la confession catholique romaine. Par conséquent, ils avaient besoin d’un lieu de culte pour prier. Il semble qu’au cours de la construction de l'usine et durant les premières années de son fonctionnement, une salle de prière était aménagée sur le territoire de l’entreprise pour des catholiques. Toutefois les techniciens français rêvaient d’un lieu de culte à part entière. Au début du XXe siècle leur rêve devient réalité.
Selon certains données publiées, la consécration de l'Église catholique romaine de l’Usine « Union », baptisée Saint-Joseph, a lieu en 1915. Cependant, il semble plus le plus probable, que cet événement arriva plus tôt, en 1908. Ceci est confirmé par un inventaire de la propriété de l'Église, gardé aux fonds des Archives nationales de la République, réalisé le 5 mars 1928. Ainsi, l'acquisition des attributs d'église les plus importants à cette époque est datée de 1908 : des calices revêtus en or pour le culte et des patènes (d’un des vases liturgiques), ainsi que deux cloches en cuivre (pesant 240 et 115 kg).
L’Église de Makeyevka survécut à toutes les difficultés de la Guerre civile en Russie. Au 1er août 1924, sa cure était encore composée de 140 hommes et 200 femmes. On peut supposer que l'Église de Makeyevka posséda aussi un orgue, car en 1928 parmi les serviteurs du culte élus se trouvait Frederick Ivanovitch Mayan, un Français de 68 ans – « organiste et cuisinier ». Apparemment, le gouvernement soviétique ferma complètement cette Église catholique romaine vers le milieu des années 30. Les dernières traces de l'ancienne église ont disparu durant une période située entre 1955 et 1957. L'auteur a découvert qu’un prêtre français, un homme avec une vie bien difficile mais intéressante, servit durant 19 ans cette église.
Dans les Archives nationales de la RPD se trouve la carte d'enregistrement de Pie Eugène Neveu, membre de la communauté catholique romaine. Ce document fut rempli par le prêtre de l'église de Makeyevka le 20 août 1924. Une telle exigence de la part des autorités soviétiques était obligatoire pour tous les prêtres sans exception (quelle que soit la religion professée). Un avertissement menaçant était indiqué au début du document : « En remplissant cette carte de fausses informations vous êtes responsable devant les tribunaux de la République ».
Nouvellement ordonné, le prêtre part dans l'Empire russe. Il sert d'abord comme aumônier à l'orphelinat « Bon Pasteur » au profit d’une communauté de catholiques russes établie à Saint-Pétersbourg. A partir de 1907 il est archiprêtre de l’Église catholique auprès de l’usine de la Société générale dans la ville de Makeyevka (certaines sources affirment que ce fut lui qui supervisa la construction de l'Eglise).
Dans la région de Donetsk il vécut pendant 19 ans. Le curé Neveu fut bien respecté dans la région. On sait que pendant la Première Guerre mondiale, il fut aussi au service de l'Église de la ville d’Yenakiyevo, dont l'abbé, de nationalité allemande, fut arrêté pour avoir parlé en faveur de l'Allemagne.
A partir de 1918, il prêcha dans l’église en langue russe, dont il est maîtrisé désormasi la pratique courante. Selon Tatiana Sharafan, vice-directrice de la Musée de l’Art et de l’Ethnographie de Makeyevka, en août 1922, Neveu fut un des premiers à céder des objets de valeur de l’église en faveur des affamés. Aujourd'hui nous pouvons apprendre de la carte d'enregistrement que le prêtre catholique ne fut un membre d’aucun parti politique, ne servit pas dans l'armée. Nous apprenons également qu’ il n’avaiit pas de biens mobiliers et immobiliers et ne toucha aucune allocation d'argent – « il vivra essentiellement des dons des paroissiens ». En 1926, la vie du prêtre provincial de Makeyevka se changea d’une façon abrupte.
Au début de 1926, on décide, en secret, d’ordonner évêques plusieurs prêtres catholiques russes afin d’instaurer ainsi une hiérarchie catholique sur le territoire de l'Union soviétique. En février le pape Pie XI décide que Pie Eugène Neveu est le candidat le plus approprié à l'épiscope de Moscou. En outre, il obtient une excellente lettre de recommandation de la part de Monsieur Herbette, l'Ambassadeur de France en URSS. « L’Ambassadeur de France, - comme le dit le document, - a fait connaissance avec le dossier d’Eugene Neveu, curé de Makeyevka depuis de 1907, et a appris l’aide qu'il apportait aux habitants de cette ville ouvrière, indépendamment de l’origine ethnique, du statut social, et même de la religion. L'Ambassade mettra tout en œuvre auprès des autorités centrales de l'URSS, pour que la mission philanthropique du prêtre Neveu puisse continuer pour le bien commun et afin d’établir des contacts utiles entre les deux pays ».
Par conséquent, en avril 1926, l’Évêque Michel d'Herbigny arrive avec une mission spéciale dans la capitale soviétique. Le 21 avril l’ordination épiscopale du prêtre Neveu est secrètement réalisée. Désormais presque tous les catholiques russes sont sous la juridiction de l'évêque Neveu. Le pape Pie XI lui confère ainsi ces pouvoirs à travers quatre documents du 26 juillet 1926.
Les activités de Pie Eugène Neveu furent très riches. On sait qu'il fut un initiateur de l'établissement des relations diplomatiques officielles entre le Vatican et l'Union soviétique.
À la mi-1936, l'évêque Neveu a des complications graves de santé et il décide de quitter la Russie pour un traitement médical en France. Le 31 juillet il part de Moscou. Le 3 février 1937, il est de nouveau reçu chez le Pape. Pourtant le sort n'a pas voulu qu’il revienne à Moscou, car le Ministère des Affaires étrangères soviétique annule son visa. Ainsi se termine la période russe dans la vie de l’évêque Tsitrussky, Pie Eugène Neveu. Il passe les dernières années de sa vie en France où il s’occupe de l'activité pastorale. En 1941-1942, l'Evêque Tsitrussky eut quatre rencontres avec des représentants des autorités d'occupation allemandes qui lui proposent de retourner à Moscou après la victoire de l'Allemagne sur l'Union soviétique. Neveu refuse, il refuse également de publier une déclaration de caractère antibolchévique dans la presse, en disant que cela peut causer de nouveaux problèmes pour les catholiques en Russie.
Pie Eugène Neveu décéda le 17 octobre 1946 à l’Église Saint-Pierre-de-Chaillot à Paris (au centre de la ville, à proximité des Champs-Elysées). Primordialement, il fut enterré à Paris, mais en 1954 sa dépouille mortelle fut déplacé à l'Église Sainte-Jeanne-d'Arc de Gien.
A.J.
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