Sur le front de la Somme, le mois de novembre 1916 débute sous la pluie et rend difficile les opérations au sol et aériennes. Seule l’artillerie ponctue les premières heures de cette 823ème journée de guerre… Mais bientôt le ciel se dégage et les combats reprennent bien vite de leur intensité.
Le 2 novembre, le fort de Vaux est redevenu français : la rentrée des troupes françaises dans le fort et dans le village de Vaux, puis dans le village de Damloup, après un bombardement écrasant, méthodique et implacable, est la consécration éclatante de notre reprise du fort de Douaumont. Il ne reste plus aux mains de l'armée du Kronprinz nulle parcelle des défenses fixes de l'immense forteresse : la ligne que nous occupons aujourd'hui, sur la rive droite de la Meuse, passe exactement par les mêmes points qu'elle passait le 24 février au soir du troisième jour de la soudaine et formidable ruée allemande contre Verdun.
Sur tout le front, l’activité aérienne continue à s'affirmer : de nombreux avions allemands sont abattus par les escadrilles de chasse françaises.
La semaine qui vient de s'écouler est caractérisée surtout par une furieuse lutte d'artillerie dans la zone de Riga ; les deux adversaires ont mis en action leurs pièces du plus gros calibre; ce duel à coups de feu est inauguré afin d'empêcher l'ennemi de procéder au regroupement de ses contingents. Les Allemands procèdent actuellement sur le front septentrional à une série de reconnaissances renforcées en y engageant souvent des bataillons entiers, afin de chercher à utiliser les meilleurs endroits de la région pour y passer l'hiver, et résister aux intempéries qui s'annoncent rigoureuses.
Les troupes russes, dans la direction de Loutsk, ont détruit l'organisation de fils barbelés de l'ennemi ; elles se sont emparées de ses tranchées avancées et s'y sont établies. L'ennemi, qui contre-attaquait, a été repoussé.
Les empereurs d'Autriche et d'Allemagne ont proclamé l'autonomie de la Pologne, sous la forme d'une monarchie héréditaire : la désignation des frontières est réservée ainsi que l'organisation et la direction de l'armée de ce nouvel Etat.
Sur les fronts belge et français
A Bruxelles, les Allemands ont décidé d'enrôler des milliers d'hommes valides pour les faire travailler de force : lorsque le premier groupe arriva à la gare du Nord, une véritable révolte éclata, de nombreux Belges et une trentaine d'Allemands furent tués ou grièvement blessés. Déjà 30000 Anversois ont été transportés en Allemagne : ils reçoivent 13 marks par semaine et des rations militaires.
Sur le front de la Somme, les troupes françaises avancent quelque peu leurs lignes, à l’est de la route Béthune Péronne, par un mouvement d'investissement. C’est la même méthode d'encerclement qu'emploient les troupes anglaises au sud de l'Ancre et à l'ouest des hauteurs qui les séparent de Bapaume.
Les batailles aériennes, sur ce front, deviennent nombreuses et effrayantes : au-dessus de Bapaume, plus de 70 avions, à une hauteur de 3 000 mètres, se sont rencontrés; après un violent combat avec les mitrailleuses et des canons-revolvers, les escadrilles ennemies furent mises en fuite : leurs pertes ont été supérieures à celles des escadrilles des Alliés. Le lieutenant français Guynemer a abattu son 21ème avion allemand.
Dans le secteur de Verdun, la lutte d'artillerie continue.
Au Parlement français, M. Ribot, ministre des Finances, a fait connaître les résultats de l'emprunt : 11 milliards 360 millions, dont 5 milliards et demi en numéraire versé; toutes les classes, toutes les autorités, religieuses et laïques, militaires et civiles, ayant spontanément contribué à ce succès, tel est le bilan financier et moral.
Sur le front russe proprement dit, aucune nouvelle importante : les communiqués ne signalent que des escarmouches plus ou moins violentes.
Sur le front transylvain, notamment dans les vallées qui mènent le plus rapidement à Bucarest, les Austro-Allemands, commandés par Falkenhayn, font un effort considérable : leurs avantages, à ce jour, sont plutôt insignifiants et c'est au détriment d'une de leurs ailes qu'ils les ont obtenus; ainsi les Russo-Roumains ont fait fléchir la ligne ennemie au-delà de la frontière moldave d'où le commandement allemand avait retiré des forces pour les jeter sur le centre des Alliés.
On a peu de précisions sur les événements de la Dobroudja : le coup audacieux du général russe Sakharov, sur l'aile gauche du maréchal allemand Mackensen, a été asséné avec rapidité et quelques conséquences s'en font déjà sentir. Les Russo-Roumains sont aux portes de Cernavoda ; ils se rapprochent de cette tête de pont à la fois sur les deux rives du Danube. Les Germano-Bulgares, surpris de front et sur leur aile gauche, ont dû abandonner, en quatre jours, une bande de terre dont la largeur n'est pas donnée par les communiqués, mais sur une profondeur qui est estimée à 40 kilomètres. L'action de la flotte russe sur la côte, aux environs de Constantza, d'une part, et la menace roumaine que le maréchal allemand découvre au sud de la ligne Bucarest-Fetesci, semblent avoir pour but de contraindre l'ennemi à ramener son front au delà de la voie ferrée Constantza-Cernavoda.
Le roi de Grèce, Constantin, la reine et les princes royaux, ont dîné chez le prince Demidoff, ministre de Russie en Grèce. Quelles seront les conséquences de ce rapprochement? «J'en parle avec espoir et je voudrais en parler avec confiance » : telle est l'appréciation du ministre anglais Asquith, dans son dernier discours. Pendant ce dîner, le roi causa longuement avec l'amiral français Dartigue du Fournet.
La pluie qui sévit sur le front occidental est une des causes de ralentissement de l'offensive franco-britannique dans le secteur de la Somme. Le sol picard est presque impraticable pour la grosse artillerie, dans les périodes pluvieuses. Cependant, la canonnade signalée depuis quatre jours sur les deux rives du fleuve et au nord de l'Ancre montre que les Alliés, dans la mesure du possible, continuent le pilonnage des défenses ennemies.
Le ciel inclément n'empêche pas nos aviateurs d'être très actifs, si l'on en juge par les combats nombreux et généralement victorieux qu'ils livrent aux pilotes allemands et par les bombardements multiples auxquels ils soumettent les gares, les colonnes en marche, les usines de l'ennemi : le capitaine français de Beauchamps a bombardé Munich et est allé atterrir en Italie; l'aviation maritime britannique a bombardé les usines et ateliers d'Ostende.
Sur le front russe proprement dit, accalmie.
Dans le nord de la Moldavie et même en Valachie orientale, c'est-à-dire sur le front le plus important pour nos Alliés, les Allemands sont contenus : il importe que les armées russo-roumaines conservent toute aisance pour se mouvoir et toute facilité de se ravitailler et de se renforcer par le nord-est; c'est la raison de leur héroïque résistance. Au sud des passes de Valkan, la situation devient très sérieuse pour les défenseurs; l'ennemi ne cesse d'avancer vers l'intérieur du pays; il est à craindre qu'il ne tente un effort surhumain pour obliger les Roumains à abandonner toute la partie de la Valachie occidentale comprise entre la vallée du Jiul, la frontière transylvaine et Orsova. Les critiques militaires des puissances alliées espèrent que l'artillerie lourde, dont nos amis ont besoin pour briser cette furieuse poussée, arrivera à temps. D'ailleurs, en quelques points, les Roumains effectuent des actions contre-offensives souvent couronnées de succès.
Les troupes russes et françaises prennent possession de Monastir
En Dobroudja, le général russe Sakharoff et le général allemand Mackensen, deux rudes chefs, restent aux prises.
Sur les fronts belge et français
Les communiqués français et anglais ne signalent qu'une « canonnade habituelle » sur les fronts de la Somme et de l'Ancre. Les bulletins de Berlin accusent un bombardement de notre part, atteignant dans ces secteurs une grande violence : le général allemand von Ludendortf dit même que, en certains points, les Anglais manifestent une activité telle qu'on peut s'attendre à une série d'attaques locales prochaines.
Partout ailleurs, la situation reste stationnaire, mais un sursaut d'énergie paraît se manifester chez tous les Alliés, comme suite à la récente conférence des représentants des puissances de l'Entente : chez nous, organisation du ravitaillement civil, nouvelle visite des réformés, recensement de la classe 1918; en Russie, remplacement de M. Sturmer, président du Conseil des ministres, par le général Tropof qui s'est fait la réputation d'un organisateur vigoureux, appel d'une nouvelle classe qui fournira l'année prochaine 1 500 000 combattants; en Angleterre, propagande officielle pour le recrutement d'un très grand nombre de soldats.
L'Angleterre a annulé en Amérique une commande de 300 millions qui peut être exécutée en Grande-Bretagne : elle a fait savoir, au nom de la France et au sien, que, si les prix s'élevaient, les Alliés réduiraient encore leurs ordres, parce que leur organisation plus parfaite les rend plus indépendants.
Sur le front russe, combats de patrouilles et d'éclaireurs et canonnades intermittentes. Des contingents allemands ont été retirés entre le golfe de Riga et les marais de Pinsk, de vastes opérations paraissant impossibles pendant l'hiver dans cette région.
Les événements se précipitent en Valachie occidentale : encore une fois, le général allemand Falkenhayn, pour atteindre son objectif, a frappé un coup rapide et violent que les Alliés n'ont pas su ou pas pu parer; il a descendu la vallée du Jiul jusqu'à Filias, à force de combats. Voilà donc les Portes de Fer et les cités importantes d'Orsova, de Turnu-Severinu, de Craïova, privées de communications avec Bucarest.
Les Roumains n'ont plus grande chance de tenir longtemps encore dans cette partie de la Valachie : ils ont l'ennemi à leur droite, à leur gauche et devant eux; ils risquent d'être pris dans un cercle de feu et encerclés. D'autre part, le maréchal allemand Maekensen attaque le royaume par le sud, en franchissant le Danube : ses premières tentatives de débarquement ont eu lieu en plusieurs points, et avec succès. Une telle avance devient une très grave menace pour les armées roumaines à l'ouest : elles risquent non seulement de se voir séparées de Bucarest, mais aussi, par la perte de la seule ligne ferrée transversale de Roumanie, d'être mises dans l'impossibilité de rester en communication pratique et constante, pour leur renforcement et leur ravitaillement, avec la Moldavie et la Russie ; toute la Valachie orientale devrait alors être évacuée. Les communiqués parlent de renforts russes, mais on ne les a pas encore signalés en nombre important au-devant de Bucarest, c'est-à-dire là où le danger est immédiat.
En Dobroudja, la lutte se ranime : l'aile gauche et le centre roumano-russe ont progressé légèrement: la ligne Constantza-Cernavoda est approchée, par le général russe Sakharov, dont la grosse artillerie n'est plus qu'à 20 kilomètres.
Partout cette semaine, sur les fronts français et belges, accalmie relative : « lutte d'artillerie dans la région de Dixmude et combats à l'aide de lance bombes », disent les communiqués belges : « activité de l'artillerie faible sur tout le front, sauf sur la rive droite de la Meuse où l'ennemi a bombardé violemment la région de Vaux », disent les communiqués français; « bombardement intermittent contre notre front et activité réciproque de mortiers de tranchées », disent les communiqués anglais.
Le 28 novembre, à la suite des déceptions provoquées par la bataille de la Somme, ouverture d’un nouveau comité de la Chambre. 700000 hommes (dont plus de 2 tiers de britanniques) dans le camp allié et 500000 dans le camp allemand sont mort au terme de 20 semaines de combat. Le bilan de cette bataille n’est cependant pas entièrement négatif : lignes ennemies enfoncées sur 10 kilomètres de profondeurs et reprise de 25 villages. Mais surtout elle a soulagé l’effort de défense de Verdun en fixant sur le front de la Somme les réserves allemandes
En France, le Parlement a voté le recensement et la révision de la classe 1918 : les tableaux de recensement seront dressés et publiés le 24 décembre au plus tard. Réunie, toute la semaine, en comité secret, la Chambre a examiné trois points essentiels : matériel, effectifs et haut commandement.
L'action russe en Moldavie et en Transylvanie donne de bons résultats tactiques : les armées autrichiennes qui luttent au sud des Carpathes boisées n'ont pu appuyer l'armée des puissances centrales dans sa marche contre le centre roumain. Une violente offensive reprise en Dobroudja, par le général russe Sakharoff, a empêché l'ennemi d'amoindrir numériquement ses troupes dans cette région.
En Russie, à la Douma, le nouveau président du Conseil général Trépoff, a affirmé que la Russie irait « jusqu'au bout, jusqu'à la victoire complète et définitive » et que « l'accord conclu en 1915 avec la Grande-Bretagne et la France, et auquel a adhéré l'Italie, établit d'une façon définitive les droits de la Russie aux détroits et à Constantinople ».
F.M.
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