Plusieurs médias occidentaux se sont interrogés sur les liens possibles entre la conversation au téléphone entre Donald Trump et Vladimir Poutine le 28 janvier et la nouvelle flambée de violence en Ukraine le 29 janvier, qui a fait une vingtaine de morts.
Le Washington Post, par exemple, ne croit pas qu'il s'agisse d'une coïncidence. La chaîne australienne, ABC, n'y croit pas non plus. Suivant l'exemple donné par la représentante américaine auprès de l'OSCE, Kate Byrnes, ils dénoncent la Russie et les séparatistes pour avoir déclenché le dernier cycle de violence. Selon eux, la Russie profite de la bienveillance, au moins temporaire, du nouveau président américain, pour avancer ses pions en Ukraine.
Cette interprétation des faits, qui bien évidemment rejoint la perception russe des choses, s'appuie sur les rapports des observateurs de l'OSCE, qui sont les seules personnes sur place disposant d'informations fiables.
Selon son rapport du 30 janvier 2017 il y a eu une soixantaine d'« explosions indéterminées » le 30 janvier à Yasynuvata, une position à un kilomètre d'Avdiivka contrôlée par les rebelles – ces explosions étant des lancements d'obus – contre 1 244 « explosions indéterminées » et 1 400 tirs de mitraillette depuis les positions contrôlées par les forces ukrainiennes à Avdiivka. Ce sont des chiffres qui laissent peu de place à l'ambiguïté : les Ukrainiens ont tiré massivement sur les rebelles dans la nuit du 29 au 30 janvier. Le lendemain, l'attaque s'est poursuivie : 2 250 explosions ont été répertoriées le 31 janvier aux positions gouvernementales à Avdiivka contre « 65 à 80 » explosions à Yasynuvata.
Cette nouvelle flambée de violence a confirmé que Kiev n'avait aucune intention d'appliquer les fameux accords de Minsk qui prévoient un règlement politique du conflit, le président Porochenko ayant l'habitude de dénoncer les rebelles du Donbass comme des « terroristes ». Or, employer ce vocabulaire prouve bien qu'il veut abattre les rebelles militairement. Le président ukrainien les présente systématiquement comme des mercenaires à la solde d'une Russie qui aurait agressé l'Ukraine – il les appelle « combattants russes », « rossiiski boïeviki » en ukrainien et ne les considère donc pas comme des citoyens ukrainiens avec lesquels il est obligé de s'entendre. Il présente la situation dans son pays comme le résultat d'une invasion étrangère. Or, une invasion étrangère, on la combat. Les accords de Minsk sont basés sur la présupposition opposée, à savoir qu'il y a une situation de guerre civile en Ukraine que les autorités ukrainiennes sont appelées à régler politiquement.
Quand la paix règne en Ukraine – ce qui est le cas, plus ou moins, depuis presque deux ans – l'Occident dit que la Russie est fautive car elle ne respecte pas les accords de Minsk. Quand la guerre éclate, la Russie est toujours coupable et pour la même raison. L'Occident ne reproche jamais à Kiev un quelconque non-respect de ces accords. Certes, la Russie n'a aucun intérêt à un renouveau de l'instabilité en Ukraine. Elle soutient donc Minsk. Mais le conflit la rend otage d'une situation qu'elle ne peut pas contrôler. Même si on accepte la thèse otanienne d'une «influence considérable» des Russes sur les rebelles du Donbass, il est évident que Moscou n'en a absolument aucune sur les forces ukrainiennes.
Trump a dénoncé avec véhémence la politique intérieure et étrangère de ces prédécesseurs. Mais est-il prêt à dénoncer aussi l'aventure ukrainienne, la dernière d'une longue série de «r évolutions de couleur » téléguidées par ceux qui sont aujourd'hui ses pires ennemis au sein des agences de renseignement à Washington ? S'il le fait, nous aurons assisté, pour une fois, à une vraie révolution.
J.L.
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