MAI - JUIN 2017

Les origines de la prière dans
les Monastères de la Russie

par Daniela ASARO ROMANOFF


Nous pouvons vraiment affirmer que la Russie, après la conversion au Christianisme de sa population, fut une Terre bénie par le Seigneur. La principauté russe de Vladimir, qui adopte le Christianisme de rite byzantin, devint un Pays unique au monde. 

La Russie trouva son identité dans les Monastères et dans les prières sans intervention des mystiques, des pèlerins, des Saints. Et pendant de nombreux siècles l’arbre prospère de la Foi plongea ses puissantes racines dans cette Terre.

Nous avons parlé jusqu’ici des Monastères et nous continuerons à le faire, mais il convient maintenant de parler des prières, des croyants, des religieux de la Russie ancienne, pour chercher à mieux comprendre la spiritualité de ce pays, en rappelant que la prière est une action.

Dans les Monastères russes la prière a une prédilection pour le silence, seul dans le silence nous pouvons entendre le susurrement de Celui qui nous guide.

Pour prier on utilisait et l’on utilise toujours une corde qui ressemble beaucoup à celle du Rosaire catholique. Elle est formée de nœuds en laine ou bien en cuir, pour précisément ne pas provoquer le moindre bruit. La corde de prière des premiers moines chrétiens, qui vivaient dans l’Egypte du IVème siècle, pouvait même compter 300 nœuds. Le Rosaire russe a 103 nœuds. Le nombre de nœuds tire ses origines d’une antique « échelle de prière ». Les nœuds sont subdivisés en quatre groupes de quelques grains.

Il y a 17 nœuds, 33, 40, 12. Les nombres se réfèrent aux Evangélistes, aux Apôtres, aux Prophètes, et à la vie du Christ. La prière qui unissait les moines russes au Surnaturel était la « Prière de Jésus », et cette prière est encore actuellement considérée comme fondamentale dans le Christianisme orthodoxe. La « Prière de Jésus » est définie « action spirituelle ». Cette action tire ses origines d’un courant spirituel qui remonte aux Pères du désert. Par l’intermédiaire de la prière, le priant passe de l’esprit au cœur, en prononçant constamment ces paroles : « Seigneur Jésus Christ, fils de Dieu, ayez pitié de nous pêcheurs ». Prononcer le nom de Jésus, sans arrêt, purifie la pensée, l’âme est éclairée par la Grâce divine et le priant prend conscience que son corps est le temple de l’Esprit Saint.

La Foi chrétienne fut accueillie en Russie de façon très intense, les croyants ne se contentèrent pas d’une Foi superficielle, le Christ devait faire partie de chaque instant de leur vie. Les croyants russes se plongèrent dans la prière et dans la méditation, Ce peuple d’une si grande spiritualité offrit à sa Foi tant aimée une multitude de moines, qui se rapprochèrent spontanément de l’ascétisme oriental. Le plus ancien Monastère de Russie est le Monastère des Grottes de Kiev ; il généra de remarquables fruits spirituels, au point d’être surnommée : le réservoir des monachisme. 

Nous, occidentaux, avons peine à comprendre combien la vie monastique fut essentielle pour tous les russes, non seulement pour les moines ; les russes se sont toujours inspirés de ce modèle de vie. Même ceux qui gouvernèrent le Pays, les Rurik d’abord et, à partir du XVIIème siècle, les Romanov, aimèrent profondément les Monastères de leur terre ; beaucoup abandonnèrent des charges prestigieuses en prenant conscience que rien ne peut être plus prestigieux que la prière. De nombreux princes devinrent des mystiques, des pèlerins et certains furent canonisés par l’Eglise orthodoxe. L’Eglise catholique vénère, elle aussi, certains saints orthodoxes : Saint Vladimir, par exemple, le prince qui accueillit le Christianisme, et les catholiques ont le maximum de respect et une grande dévotion pour tous les autres. Aucun pays au monde n’a été gouverné par des personnes d’une aussi grande spiritualité.

Les évêques orthodoxes (qui sont obligatoirement moines) portent également le Klobouk noir, Klobouk décoré d'une croix pour tous les archevêques

En Russie, les monastères étaient des lieux où la Grâce de Dieu se manifestait dans toute sa puissance, constituait un point de référence pour le monde environnant.

La « Prière de Jésus » a toujours donné force et sérénité à tous les croyants qui s’en sont approchés. Cette même prière prend ses racines dans le Nouveau Testament.

Il est certain qu’en Russie la prière arriva de l’orient. Rappelons Saint Siméon, dit le Nouveau Théologien (949-1022) l’un des rares mystiques orthodoxes, qui raconta dans ses écrits son expérience de vie.

Les chroniques anciennes attribuent précisément à Siméon un opuscule : « Méthode de la sainte prière de l’attention ». Il était conseillé au moine de s’asseoir dans sa cellule dans un endroit tranquille, pour pouvoir élever son esprit au-dessus de tout ce qui est la matière. Le moine ensuite, inclinant la tête de façon à ce que son menton repose sur sa poitrine, tournait son œil corporel vers le centre de son ventre.

L’inspiration devait être comprimée pendant un bref moment : en ne respirant pas à fond, on peut mieux voir avec son esprit à l’intérieur de soi-même, pour découvrir l’endroit du cœur où demeure la force de l’âme. Dans un premier moment tout semblera obscur, on aura des difficultés à se concentrer, mais en instant, on se sentira envahi par un bonheur infini, pendant la répétition de la prière : « Seigneur Jésus Christ, fils de Dieu, ayez pitié de moi ». Le moine devra accorder une attention tout particulière à son cœur. 

Cette méthode, qui a pour but d’aider le priant à s’exprimer de façon gratifiante sa prière, s’appelle hésychasme1.

Une autre forme de prière très importante trouva son expression dans l’ancienne Russie à travers la création des icônes. Peindre une icône est une prière. Les premières écoles iconographiques remontent au XIème siècle se trouvaient à Kiev. Les icônes sont le fruit d’une technique et de l’utilisation de symboles bien précis.

En Russie, depuis l’antiquité déjà, on avait une préférence pour le bois de tilleul ou de pin. On utilise encore aujourd’hui les méthodes anciennes. On étend sur le panneau de bois de la colle mélangée à du gypse et à une très fine poudre d’albâtre ; ce travail est exécuté à chaud sur le bois et sur une toile de lin, que l’on colle ensuite sur la surface du panneau. Le dessinateur à l’aide d’un fusain ou d’une légère incision esquisse les personnages selon les prescriptions canoniques. Au cas où l’on ait des besoins de dorure, un expert prépare un fond rouge pour les endroits où l’on insèrera les feuilles d’or ; une fois l’or appliqué, la touche finale est donnée en passant une pierre d’agate ou une dent de loup sur l’or pour le faire briller. Les premiers peintres d’icône n’utilisaient que quatre ou cinq couleurs fondamentales ; vers la moitié du XVIIIème siècle on en utilisait une vingtaine. Les pigments colorés, obtenus à partir de végétaux, sont dilués avec de l’eau et mélangés avec le jaune d’œuf et quelques gouttes de vinaigre ou Kvas2.

Dans la partie suivante, nous parlerons plus en détail de la prière qui accompagne la création d’une icône et des symboles du matériel utilisé.


D.A.R.


  1. Vocabulaire grec : hesychia = calme, paix, tranquillité, absence de préoccupation).
  2. Distillat de pain, cassis et raisin sec.

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