Éric Zemmour est sans doute le polémiste le plus actif et le plus détesté par une grande partie de la bienpensance française. Il connaît par cœur le trajet de son domicile à la dix-septième chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris. Tribunal habilité à juger les conflits idéologiques. Il est, parmi les journalistes qui n’ont pas leur langue dans leur poche et qui résistent encore en osant dire les choses telles qu’elles sont, celui qui a la plus grande audience.
Son influence est telle que l’on a vu apparaître le terme de « zemmourisation des esprits.»
Il publie régulièrement dans Le Figaro Magazine, anime des chroniques bihebdomadaires sur la radio RTL, participe hebdomadairement sur Paris Première à une émission qui lui est en partie dédiée. Il a participé à nombre de revues tant sur les ondes que dans la presse écrite. Ses ouvrages sont un véritable phénomène d’édition, caracolant souvent en tête des ventes.
Beaucoup de nos grands démocrates aimeraient l’interdire d’antenne et les moins démocrates le jeter dans un cul de basse-fosse pour le restant de ses jours ! Le court extrait d’article ci-dessous suffira à faire comprendre au lecteur combien il est aimé et adulé par toutes les bonnes gens accrochées à la moraline, la drogue douce des bienpensants occidentaux qui conduit irrémédiablement au déni du réel :
« En décembre 2014, la retranscription d'un entretien au journal italien le Corriere della Sera du 30 octobre 2014, traduit et relayé par Jean-Luc Mélenchon sur son blog, crée une nouvelle polémique politico-médiatique. Le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, dénonce les propos et « appelle tous les républicains à réagir », le président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale Bruno Le Roux demande son éviction des plateaux télévisés, le porte-parole du gouvernement Stephane Le Foll avance que l'essayiste est un « danger » qu'il faut « combattre », la Société des journalistes de RTL se « désolidarise », la Société des journalistes d'I-Télé réclame un « geste fort » de la direction qui met fin à l'émission Ça se dispute. Une décision qui selon Le Point « jette l'opprobre » sur cette télévision ».
PETIT FRÈRE
Est-ce un roman, une analyse sociologique, un essai politique ou une biographie que nous propose Éric Zemmour dans « Petit frère » éd. Denoël ? Un livre à tiroirs en tous cas où tout cela s'amalgame sans vraiment se mélanger. Au final une belle plume qui sait capter le lecteur et retenir son attention.
On se promène tout à la fois dans le vingtième arrondissement et dans un monde de strass et paillettes où l'argent abonde.
On se régale, tout au long de l'ouvrage, des dialogues pleins de saveur entre un ministre opportuno-gaulliste et un intellectuel ex-gauche qui se reconnaît lui-même comme « un idiot utile du capitalisme » p. 291 :
« Les enfants de la bourgeoisie, harnachés d'un mépris de classe de fer, avaient déclaré la guerre au peuple français. L'antiracisme fut notre arme absolue, notre bombe atomique. » p. 238
Éric Zemmour ne s'encombre pas du « politiquement correct » :
« Les fameux dîners du CRIF se transformèrent en tribunaux pour ministres coupables d'une trop grande tiédeur à l'égard d'Israël. » p. 215
L'histoire qui constitue la trame de fond est sinistre, elle est racontée avec une plume simple mais percutante. Faisant un parallèle historique avec le retour de l'antisémitisme l'auteur fait preuve d'un humour juif au vitriol :
« Dans les années trente aussi il y a avait des optimistes et des pessimistes. Les pessimistes ont fini à Hollywood et les optimistes à Dachau. »
Éric Zemmour cite souvent des auteurs qu'il a lus, on ne s'en plaint pas :
« Oscar Wilde disait qu'en amour, il y en a toujours un qui souffre et un qui s'ennuie. »
Ce qu'il faut surtout retenir de l'ouvrage est la lucidité politique de quelqu'un qui a su prendre le pouls de notre époque et de notre nation, d'un intellectuel courageux sans plus aucune illusion :
« La voilà, la vraie raison, le motif secret de la politique étrangère française. La peur des banlieues. C'est l'esprit de Munich qui règne à nouveau sur la France. »
Pessimiste Zemmour ? C'est bien possible... Quoiqu'il en soit l'ouvrage, (un peu plus de 300 pages) se lit presque d'un coup. Le livre est difficile à lâcher....
LE PREMIER SEXE
Quand on commence Le premier sexe, éd. Denoël on se dit : « Tiens un pamphlet, un brûlot, c’est un genre que j’aime. »
Et puis non, au bout de quelques pages on s’aperçoit que c’est un véritable essai qu’on a entre les mains.
Dès le départ l’auteur annule les contestations possibles, il sait très bien et le dit que « l’homme » et « la femme » sont des idées abstraites. En s’appuyant sur le concept de pulsion de mort, élaboré par Freud, Zemmour passe en revue la civilisation européenne et son évolution.
Il donne à l’homme cette « pulsion de mort », force virile, guerrière, destructrice et porteuse de civilisation qu’il oppose à la femme, fondatrice du couple, du cocon.
On pourrait dès lors s’attendre à un écrit gnangnan du genre « les hommes et les femmes ne sont pas fait pour vire ensemble » du genre littérature débile outre-Atlantique, mais Zemmour sait que l’homme est un animal politique. Il prend donc en compte cette dimension politique de la civilisation. Pas que la dimension politique d’ailleurs, le contexte économique ne lui échappe pas :
« Les publicitaires n’annoncent pas la société qui vient ; ils sont chargés de l’imposer à grand coup de propagande. Ils sont grassement payés pour cela. » p. 29
« Ainsi Ségolène Royal incarne-t-elle la synthèse du vieux puritanisme catholique et du farouche égalitarisme féministe. Elle est à la confluence de deux mouvements historiques qui se confondent aujourd’hui. Sa popularité époustouflante atteste la pertinence de son positionnement médiatique et politique » p. 37
Pour lui, et avec raison, l’homme politique, celui qui se fait une place, est un tueur.
La crise de la famille, la perte d’autorité du père est largement abordée dans son essai, Zemmour appuie ses propos en les illustrant de chiffres et de données. Nous savions que l’enfant d’aujourd’hui, non seulement règne en maître chez ses parents, mais que les laboratoires pharmaceutiques et la sécurité sociale veillent sur lui :
« Ritaline, Concerta, plus de cent soixante dix mille boîtes de « pilules de l’obéissance » ont été remboursées en 2004 par la sécu. »
L’auteur constate que l’homme, dans une société « féminine », est devenu l’enfant monstrueux de Tartuffe et de Beauvoir :
« L’homme n’a plus le droit de désirer, plus le droit de séduire, de draguer. Il ne doit plus qu’aimer. »
En historien qui a tiré les leçons du freudisme, il constate que Louis XVI :
« Le seul roi de France qui n’eut pas de maîtresses fut aussi le seul qui finira guillotiné »
En politique et sociologue averti, il note, que face à la dépression démographique :
« Les progressistes conséquents et les technocrates compétents ont une solution : l’immigration. C’est d’ailleurs historiquement ce qui s’est passé en France. Les grandes lois sur le divorce et l’avortement sont exactement contemporaines d’une autre législation, celle sur le regroupement familial. » p. 107
Enfin, et ce n’est pas la moindre de ses remarques, il constate que certaines communautés, par une nette radicalisation politico-spirituelle, ont plus de chance que d’autres de se tirer de ce mauvais pas, de cette féminisation générale de notre société : l’islamisme pour les jeunes musulmans et le sionisme pour les jeunes juifs.
Pour les autres l’échappatoire semble inexistante.
Un bel essai à lire, d’autant que Zemmour est une belle plume à l’écriture agréable.
MÉLANCOLIE FRANÇAISE
Il est écrit sur le bandeau de l’ouvrage d’Éric Zemmour, « Mélancolie française », paru chez Fayard Denoël : « L’Histoire de France racontée par Éric Zemmour ».
On apprécie le parallèle ironique avec « L’Histoire de France racontée aux enfants ». Mais ce n’est pas à des enfants que s’adresse l’auteur.
Même si les grands visages des constructeurs tels que Richelieu ou Mazarin sont dessinés par le crayon de Zemmour. Ce n’est en réalité qu’une courte période de l’histoire de France qui est relatée dans le livre.
En 250 pages au rythme soutenu et au style enlevé, Éric Zemmour se livre à une analyse politique, démographique, géopolitique, militaire et économique de la période de notre histoire s’étalant grosso modo de la révolution à nos jours. Cette analyse n’est correcte à aucun point de vue, non par là qu’elle soit fausse ou tronquée, bien au contraire, la justesse y est d’un réalisme et d’une lucidité sans appel.
Cette analyse est incorrecte dans le sens ou elle n’applique pas le consensualisme mou de la plupart des historiens d’aujourd’hui.
C’est un véritable feu d’artifice que nous offre Éric Zemmour dans son récit, n’hésitant pas à citer les prophéties de ceux qui ont fait la politique de la France, en commençant par Talleyrand :
« L’Amérique s’accroit chaque jour. Elle deviendra un pouvoir colossal, et un moment doit arriver où, placée vis-à-vis de l’Europe en communication plus facile par le moyen de nouvelles découvertes, elle désirera dire son mot dans nos affaires et y mettre la main... Le jour où l’Amérique posera son pied en Europe, la paix et la sécurité en seront bannies pour longtemps » p. 48
Nous avions découvert, dans son dernier essai « Le premier sexe » (éd. Denoël) qu’Éric Zemmour est un lecteur de Freud. Il l’a compris (ce qui est assez rare chez les politiques) et il en tire des conclusions honnêtes. Pas comme ces psychanalystes « professionnels » qui inondent les ondes de leurs mièvreries de supermarché du freudisme devenu l’allié de la religion des droits de l’homme. Dans une formule à l’emporte pièce mais pleine de beauté crue, Zemmour nous résume en une phrase « la pulsion de mort » :
« ...L’homme risque son existence en faisant la guerre, mais il perd son essence en ne la faisant pas. » p. 119
C’est souvent en formules lapidaires, mais après avoir développé de quoi parfaire notre connaissance ou notre inculture, que l’auteur nous fait comprendre le drame de l’histoire de France :
« De Louis XV à Louis Philippe, l’histoire des colonies françaises bute toujours sur le même obstacle : des colonies de peuplement qu’on ne peuple pas. » p .122
Sans être un gaulliste forcené, Zemmour salue et remet à sa place la grandeur gaullienne, aujourd’hui oubliée par ceux qui ne se réclament même plus de son héritage…
L’Europe tient une large place dans la fin de l’ouvrage, et la langue pour la décrire est belle. Elle ne ressemble en rien à la langue de bois de nos politologues qui polluent les « unes » de nos quotidiens distribuant le prêt à penser décidé pour le peuple France.
Assez surprenant, un chapitre qui n’est pas attendu dans l’ouvrage : une analyse politique de la crise belge, ce qui est un pléonasme...
L’immigration tient une large place dans l’essai, la lucidité le veut ainsi, il faut tenir compte des projections démographiques, malgré les propos mielleux des démographes. Dans son style enrobé d’acide sulfurique, Éric Zemmour remet les choses à leur place et les faux-culs à la leur:
« ...les dissimulations imprécatoires des Lyssenko de l’INED n’y changeront rien. »
Bref, une histoire qui part de l’Empire Romain, que la France s’est toujours efforcée de ressusciter ou de perpétuer dans un phantasme parfois avoué, parfois tu. Mission sacrée dans laquelle elle a échoué. Une belle promenade en tout cas dans le « pré carré » aux ambitions hautaines et démesurées et qui furent pourtant humanistes et raisonnables. Un paradoxe ? Non, Sire un hexagone...
Z COMME ZEMMOUR
Dans Z comme Zemmour, éd. du cherche midi l’auteur nous livre les chroniques qu’il tient chaque matin sur RTL. Nous avons là le cru 2010. Bonne cuvée. L’auteur commence par un éloge de la langue française qui se parle, selon lui, comme elle s’écrit et bien sûr s’écrit comme elle se parle, enfin, il fut un temps peut-être...
Il fait également l’éloge de la précision des mots et de la richesse de leur sens. Dommage, car dans chronique il y a « chronos » et ces chroniques ont un très gros défaut : elles ne sont pas datées !
On a parfois un peu de mal à les recadrer dans l’actualité. C’est le seul défaut à noter de cette cuvée, mais cela lui donne un goût de bouchon persistant tout au long de l’ouvrage. Zemmour est incorrect, c'est-à-dire sans tabou. Il parle de tout et de tous. Comme il le sent, comme il l’analyse tantôt à chaud, tantôt avec du recul. Hélas ses analyses, à chaud ou à froid, sont souvent justes et n’incitent pas à l’optimisme.
Des fils de bourgeois qu’on appelle aujourd’hui « bobos » aux politiques, en passant par les artistes, les footballeurs, les jeunes, les vieux, les journalistes, personne n’est épargné sous sa plume acérée et ses mots tranchants :
« Cette bourgeoisie n’avait pas que des défauts : elle aimait les livres, la littérature, la musique et protégeait les arts, même si son goût était souvent conventionnel. [...] Puis sur ses ruines a grandi une nouvelle bourgeoisie, celle issue de Mai 68, sans cravate ni pudeur. Celle-ci veut conserver le confort de ses parents, mais se prétend toujours progressiste et rebelle. » p. 216
Quelques petites erreurs d’aiguillage tout de même, quand il parle de construction de nouvelles prisons :
« En France, on en discute âprement depuis... 1986, lorsque Chalandon engagea un programme de construction qui fit scandale parce qu’il y associa le secteur privé. » p. 284
Rien ne nous dit que ces prisons auraient étaient plus solides que les fameuses « chalandonettes ! » qui firent également scandale. Enfin, toujours cette lucidité sur l’époque et ses paradoxes que cultive la presse, indiquant à l’homme de la rue comment il doit penser :
« Il est aussi paradoxal de voir des médias, telles de vieilles bigotes, tancer le Pape pour son puritanisme, exalter la liberté sexuelle et la gay pride, et vitupérer les orgies de Berlusconi. » p. 311
C’est vrai, c’est une drôle d’époque ! Quelques 151 chroniques de deux pages d’impertinence lucide. Un bon livre.
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