Recevant le président ukrainien Petro Porochenko, vous venez de déclarer que la France ne reconnaîtrait pas l’annexion de la Crimée.
Vous disiez vouloir inscrire votre vision internationale dans une perspective « gaullo-mitterandienne » mais votre perception de la question ukrainienne témoigne plutôt d’une approche OTANo-hollandaise. Permettez-moi de me référer au maître-livre de Zbignew Brzezinski Le grand échiquier. La crise était programmée dès 1997 puisque l’Ukraine est l’un des cinq « pivots géopolitiques » permettant, aux dires du penseur étasunien récemment décédé, de contrôler l’Eurasie.
Le don de la Crimée à l’Ukraine par Khrouchtchev, en 1954, est d’une valeur juridique douteuse, la population n’ayant pas été consultée.
Un fait majeur est passé sous silence dans la rhétorique OTANienne et dans la presse alignée, en France inclusivement, hélas. La population de Crimée s’était déjà prononcée le 12 janvier 1991, à l’instigation des autorités ukrainiennes. Avec un taux de participation de 81,37%, 94,3% des votants avaient choisi le rétablissement d’une République de Crimée indépendante et membre du nouveau Traité de l’union proposé par Gorbatchev. En février 1991, le Parlement ukrainien revenait sur sa décision et votait une loi rétroactive pour casser le vote des Criméens. Et nous prétendons donner des leçons de démocratie aux Russes ?
Voilà pourquoi parler d’annexion est une formulation insidieuse ou inexacte. Le terme de « rattachement » serait plus pertinent.
Le vote du 16 mars 2014, soutenu par les Russes, est conforme à celui de 1991. L’impéritie de l’Union européenne, à laquelle vous êtes attaché, fut de vouloir inscrire l’Ukraine dans la stratégie inspirée par Brzezinski, à savoir son adhésion à l’UE, voire, pour certains, à l’OTAN. Il aurait été raisonnable d’en faire un état-tampon.
Vous évoquez à bon droit, Monsieur le Président, les accords de Minsk. Je veux croire que vous aurez discrètement rappelé au Président Porochenko les engagements auxquels il manque.
J’ajouterai que l’embargo à l’encontre de la Russie, récemment reconduit par l’Union européenne, pénalise nos économies essoufflées et menace la paix. Elle appelle des rétorsions que les Russes viennent de prendre, et qui pénalisent nos exportations. Nous y perdons tous.
Puisque la lecture des œuvres du Général de Gaulle semble vous inspirer, je vous invite, Monsieur le Président, à relire les Mémoires d’espoir, où est évoqué le projet de l’Atlantique à l’Oural.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma très haute considération.
Gabriel Galice
Citoyen français résidant en Suisse
Ancien Conseiller Régional
de la Région Rhône-Alpes
Président de l’Institut International de Recherche pour la Paix à Genève (GIPRI)
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