Peu surprenante de la part d’un dirigeant occidental, la formule n’en est pas moins étrange
Elle laisse entendre que cette péninsule majoritairement peuplée de Russes a été ravie par on ne sait quelle brute épaisse avide de conquêtes.
Elle suggère que sa population a été enlevée à on ne sait qui, cette opération, systématiquement qualifiée d’ «annexion» par les Occidentaux, ayant comme un parfum d’Anschluss.
Le plus frappant, dans ce discours, c’est qu’il fait bon marché des Criméens. A croire que ces gens insignifiants n’ont aucune volonté et sont incapables de décider de leur destin. Peu importe que les 2,6 millions d’habitants de ce pays aient opté à 96,77 %, le 16 mars 2014, en faveur de leur intégration à la Russie. Peu importe qu’ils aient fait ce choix, suite aux provocations des putschistes de Kiev, à l’occasion d’un référendum qui n’encourut aucune critique sérieuse sur son caractère démocratique. Pour les Occidentaux, ce ne sont que des broutilles, et l’invocation des nobles idéaux dans lesquels se drape leur rhétorique, on le sait bien, varie selon les latitudes.
Les chancelleries occidentales, bien sûr, ont invoqué le principe de l’intangibilité des frontières internationales. Le 27 mars 2014, l’assemblée générale de l’ONU a voté une résolution réaffirmant l’intégrité de l’Ukraine et déniant toute validité au référendum d’auto-détermination organisé par le parlement de Crimée. Mais ce vote fut loin d’être unanime. La résolution obtint 100 voix sur les 193 Etats-membres. 11 pays ont voté contre, 58 se sont abstenus et 24 n’ont pas pris part au vote. L’opposition entre le principe d’auto-détermination et le principe d’intangibilité des frontières a jeté le trouble, semble-t-il, dans une assemblée où la manie occidentale de désigner les bons et les méchants n’a pas convaincu tout le monde.
Il suffit pourtant de considérer l’histoire de la Crimée pour comprendre la situation. Arrachée aux Turcs par Catherine II, cette péninsule de 26 945 km2 est une province russe depuis 1784. Elle a fait partie de la République socialiste fédérative soviétique de Russie de 1922 à 1954, puis elle a été rattachée à l’Ukraine par une décision du régime soviétique. C’est le 19 février 1954, en effet, que Nikita Khrouchtchev a offert la Crimée à Kiev pour fêter le tricentenaire de la réunification de la Russie et de l’Ukraine. Ce geste politique déclinait la stratégie du pouvoir post-stalinien, désireux de panser les plaies du passé. Dans la mesure où la citoyenneté soviétique prévalait sur l’appartenance nationale, il pouvait paraître sans conséquence majeure.
Le caractère factice du rattachement opéré en 1954 est la cause lointaine de la crise actuelle.
Mais c’est la politique stupidement russophobe des nationalistes ukrainiens qui en est la cause immédiate.
En abolissant la loi qui faisait du russe une deuxième langue officielle, les irresponsables qui ont pris le pouvoir à Kiev en 2014 ont humilié la population russophone, la poussant dans les bras de Moscou. Par sectarisme, ils se sont chargés eux-mêmes de clôturer la période historique ouverte par le geste de Khrouchtchev en précipitant le retour de la Crimée dans le giron russe. Vladimir Poutine n’a eu qu’à cueillir le fruit de cette crise délibérément provoquée par les ultras de Kiev, encouragés par les néo-cons de Washington.
Elle fournit à l’Occident vassalisé par Washington le prétexte d’une nouvelle guerre froide. Mais la Crimée est russe et elle le restera. De 1853 à 1856, les puissances occidentales y ont affronté l’Empire des Tsars. Cette guerre est finie, et il n’y en aura pas d’autre.
B.G.
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