Qui dit foi au sens chrétien du terme dit Révélation divine, donc irruption divine dans le temps, donc des événements datés avec un avant et un après, en un mot une Histoire. Mais Dieu est éternel, hors du temps. L’idée de révélation peut donc paraître paradoxale.
Par ailleurs cette révélation est à la fois un message, pourvu d’un contenu qu’on peut analyser conceptuellement, et un appel à relation avec un Être qui nous dépasse infiniment, bouleversant notre vie. Message qui est a priori conditionné par son lieu et son époque d’émergence, donc situé dans le temps - et cependant porteur d’une vérité absolue et intemporelle, laquelle doit nous parler là où nous sommes, et nous conduire hors du temps. Autre paradoxe ?
Enfin cette Révélation annonce à l’Histoire quel sera son horizon, lui donnant son sens ultime et véritable.
Une telle perspective religieuse sur l’histoire est unique et, si elle est vraie, essentielle. Mais elle suppose la foi. Peut-on alors en rendre compte rationnellement ? Oui, et tel est mon objet ici. Je me situerai d’un point de vue philosophique, pour questionner avec les moyens de la raison ce que l’Eglise pense et dit sur la Révélation, prise comme message, et sur l’histoire du développement de cette pensée et de ce discours. Il s’agit donc d’un angle particulier de réflexion sur la Révélation, nullement exclusif d’un autre. C’est notamment une démarche distincte de la théologie, qui mène ses interrogations à partir de la Révélation elle-même. Ici on utilisera la raison pour examiner le sens des affirmations ainsi posées, même si leur source ne dépend pas de la raison. Bien entendu, cette démarche est plus limitée que celle du croyant, qui se nourrit de cette Révélation comme Parole de Dieu, dans la perspective de sa vie de foi, avec Dieu et dans la prière.
Une telle Révélation est entre autres une forme de connaissance spécifique, qui ne saurait être examinée efficacement sans référence au cadre dans lequel elle a été donnée aux hommes et est depuis vécue par eux, c’est-à-dire dans cette communauté vivant dans l’Histoire qu’on appelle Eglise. Laquelle a développé et continue à développer le message de cette Révélation au cours des siècles, par une réflexion collective, cumulative et autorisée, qu’elle place sous les auspices de l’Esprit de Dieu et considère animée par Lui, dans un cadre appelé Tradition. L’articulation entre Révélation et rationalité a dès lors fait l’objet d’un enseignement constamment enrichi, sur lequel les deux derniers conciles ont particulièrement réfléchi. J’en examinerai les traits principaux et la logique de l’affirmation sous-jacente, selon laquelle un tel travail historique est possible. On évoquera notamment l’élaboration progressive de ce qu’on appelle dogme. Ce mot est mal vu aujourd’hui, mais rappelons que c’est simplement la mise en forme rationnelle et autorisée de l’enseignement de la Révélation. Il conduit à la question de l’autorité, elle aussi malmenée aujourd’hui, et pourtant naturelle dans la logique de ce message, puisque c’est le prolongement de l’idée de Révélation, qui suppose une Parole insérée dans l’histoire mais qui fait autorité ensuite. C’est ce que nous verrons dans la deuxième partie.
Emergence dans notre monde et notre histoire d’une réalité autre, cette Révélation a pris la forme d’un texte, récit d’une histoire sainte. D’où la question de la transmission de ce message et donc de la bonne lecture de ces textes, ce qu’on appelle l’exégèse. Or une exégèse rationaliste, aujourd’hui dominante, se présentant comme seule scientifique, conduit souvent à remettre en cause l’historicité et la réalité de cette Révélation. Par là même elle sape la rationalité que la Révélation prétend garder. Nous verrons cependant les limites de cette supposée scientificité ; et notamment l’incohérence logique de la méthode, qui trop souvent examine en termes probabilistes, en refusant au départ de se placer dans la perspective de la foi, des textes qui ont au contraire pour seul rôle de rapporter des faits exceptionnels, et de se présenter comme une Révélation divine. Ce sera notre troisième partie.
Ces points seront abordés dans la quatrième partie.
J’examinerai ensuite dans une cinquième partie d’abord quelle semble être la conception la plus fidèle du développement du dogme ; et ensuite, avec plusieurs exemples concrets, les cas où il peut paraître à l’œil extérieur remettre en cause des conceptions antérieures, pour mieux évaluer sa signification et ses enjeux. Ce qui se dégagera alors est le sens plus précis de l’insertion de ce message dans le seul contexte d’interprétation qui lui rend réellement justice, et qui est fondé sur la notion de vérité incarnée : une vérité éternelle se dévoilant dans le temps et dans l’histoire.
P. de L.
La révélation chrétienne ou l'éternité dans le temps: La foi peut-elle évoluer ?
Editeur : Lethielleux Editions (17 janvier 2018)
Collection : ART.CHRISTIANI.
ISBN-10: 2249625905
ISBN-13: 978-2249625909.
Saisissez votre adresse mail dans l'espace ci-dessous : c'est gratuit et sans engagement
Partager cette page