OCTOBRE 2018

La Russie réfléchit sérieusement à sortir du Conseil de l’Europe

par Karine BECHET-GOLOVKO


Depuis le rattachement de la Crimée à la Russie suite au renversement de pouvoir en Ukraine et à la guerre civile qui en a découlée, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) a suspendu le droit de vote de la Russie, qui se retrouve de facto observatrice d'un procès qui la concerne.
La crise s'enlisant, comme toutes les crises d'aujourd'hui, selon les paroles de la présidente de la Chambre haute du Parlement russe Valentina Matvienko, la Russie commence à sérieusement réfléchir à quitter cette organisation. 
Ce qui, finalement, entraînerait la fin d'une structure qui, de toute manière, s'est dévoyée.
Le Conseil de l'Europe est une structure qui n'a rien à voir avec l'Union européenne. Beaucoup plus large, cette organisation comprend 47 États membres et lui sont rattachées, notamment, l'APCE et la CEDH. Or, à la suite du conflit en Ukraine et avec la montée d'une politique antirusse extrêmement marquée, l'APCE a voté les sanctions contre la Russie, sous la forme d'une suspension du droit de vote et de l'interdiction de délibérer dans les organes de direction. 
En réponse, la Russie a suspendu sa contribution à l'APCE, mettant celle-ci en difficulté financière. 
Le conflit s'enlise, car il n'est pas un conflit primaire mais dérivé. Il ne pourra donc que se régler lorsque le conflit primaire, géopolitique et idéologique entre une vision d'un monde atlantiste et l'idée d'un monde multipolaire défendue par la Russie, lui-même, se réglera. Or, la tension continue à monter sur toutes les plateformes qui lui permettent de s'exprimer (le CIO, le Conseil de sécurité de l'ONU, l'OSCE, le Conseil de l'Europe, etc.) et les conflits dérivés s'intensifient (Ukraine, Syrie, guerre économique, guerre de l'information, guerre chaude). La crise qui touche le Conseil de l'Europe n'est pas prête de toucher à sa fin.
Les déclarations de Matvienko ne sont finalement qu'une triste constatation : à quoi cela sert-il à la Russie de continuer à être membre de cette organisation si elle ne peut prendre part aux décisions, la Russie a largement de quoi faire ailleurs ? Surtout que l'APCE est une organisation politique quasiment inconnue en Europe de l'Ouest, essentiellement orientée vers l'Est et les "pays en transition démocratique". Quant à la CEDH, si sa jurisprudence était d'une réelle qualité juridique jusqu'aux années 90, elle s'est ensuite dévoyée sur la route de la "démocratisation" des pays de l'Est pour finir dans l'impasse de la propagande idéologique, assez primaire (pro-LGBT, pro-migrants, anticléricalisme, etc.). C'est pourquoi il est fondamental pour le Conseil de l'Europe que la Russie reste : c'est un moyen fabuleux de pression sur la législation interne.
Selon Matvienko, la Russie perd de plus en plus d'intérêt pour l'APCE, qui ne devrait pas être discriminatoire et permettre aux 47 États de travailler ensemble sur un pied d'égalité. La situation est, selon elle, critique. D'autant plus qu'avec la suspension du droit de vote de la Russie certaines décisions prises souffrent d'un déficit de légitimité : les juges européens sont élus sans participation de la Russie et l'année prochaine c'est l'élection du secrétaire général du Conseil de l'Europe qui est en jeu. Quelle sera sa légitimité ? L'idée de quitter le Conseil de l'Europe fait alors son chemin.
Le Conseil de l'Europe, en suivant la voie globale de la radicalisation envers la Russie, se met lui-même dans une situation délicate. Sans la Russie il ne présente plus aucun intérêt. Or, la Russie, elle, a existé avant d'entrer dans le Conseil de l'Europe, elle existera lorsque celui-ci ne sera plus qu'une ligne dans les manuels d'histoire.

K. B-G.

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