Dès le mois de décembre dernier, ça ne faisait aucun doute pour le général Viktor Moujenko, commandant en chef des forces armées ukrainienne : Moscou était en train de disposer des forces destinées à une future invasion de l’est du pays.
S’appuyant sur des photographies satellites, le général Moujenko affirmait qu’à seulement 18 kilomètres de la frontière, le nombre de tanks T-62 était passé de 93 à 250 pendant les deux dernières semaines du mois de septembre (2018). Mais les transferts de matériel ne concernent pas seulement l’est du pays. Des avions cargo Iliouchine IL-76 auraient, d’après d’autres photographies satellites, transporté des systèmes antiaériens S-400 jusqu’à la base aérienne de Dzhankoy située en Crimée.
« Nous avons face à nous un agresseur qui n’a aucune limite légale, morale ou d’aucune sorte » a affirmé – on l’imagine la main sur le cœur – le brave général Moujenko qui, en plaçant son argumentation sur les plans légal et moral – que son régime a lui-même piétinés pendant la révolution colorée dite de Maïdan – cherche à nous faire oublier les réalités géopolitiques.
Et d’ajouter que face à cette agression, l’Ukraine a projeté d’inaugurer une base militaire sur la mer d’Azov et compte sur le soutien des Américains.
Ce dont ne se doute pas le brave général, c’est que, non seulement sa façon de décrire la situation prouve sa mauvaise foi, mais justifie pleinement une réaction hostile de la part de la Russie. Un projet hostile qui est en préparation.
L’inauguration du pont sur le détroit de Kerch est, par ailleurs, un éclatant révélateur de cette préparation de guerre. Qui croira que ce pont a été réalisé en un temps record par le Kremlin pour favoriser le tourisme russe en Crimée ?
Qui croira qu’il n’a pas été construit pour transporter du matériel militaire en vue d’une guerre d’agression ?
Me pardonnera-t-on de me lancer dans la fiction ? Me permettra-t-on d’imaginer les buts de guerre de la Russie ?
Il me semble assez clair que la Russie a besoin de confirmer et même renforcer sa présence sur les rives de la mer Noire. Et j’irai même jusqu’à dire qu’elle aurait intérêt à confisquer à l’Ukraine la côte nord de la mer d’Azov afin d’assurer la continuité territoriale entre son territoire et la Crimée. Un pont terrestre, c’est toujours mieux qu’un pont de béton et d’acier tendu sur un détroit. C’est plus solide, plus facile à défendre, c’est une position plus facile à tenir.
Voilà pourquoi il me semble que la Russie prépare un coup d’éclat qui fera reculer – pour toujours ou pour un temps – les projets hégémoniques de l’empire européo-américain rêvé par Jean Monnet et repris par toute une brochette de larbins politiques amoureux d’un bien-être mal acquis et ennemis congénitaux de la Russie.
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