Malgré les postures précautionneuses de la diplomatie internationale, c’est bien un nouveau scénario de guerre entre l’Iran et les États-Unis qui est en train de se mettre en place. En effet, après avoir déclaré il y a quelques semaines à peine, un embargo total sur le pétrole iranien, Donald Trump renchérit en annonçant le déploiement au Moyen-Orient du porte-avions USS Abraham Lincoln, accompagné d’une task force aérienne.
En réaction à cette décision unilatérale et à ces manœuvres militaires, Téhéran vient de décider de cesser d’appliquer certains de ses engagements pris dans le cadre de l’accord sur le nucléaire iranien signé en 2015, et de lancer un ultimatum aux pays signataires afin qu’une solution de sortie de crise soit rapidement trouvée. En clair, l’Iran vient de décider de cesser de limiter ses réserves d’eau lourde et d’uranium enrichi comme il s’y était engagé il y a 4 ans. Ce bras de fer entre les deux pays n’est, en réalité, que la poursuite d’un long conflit. Les États-Unis n’ont en effet jamais oublié la grave crise qui les avait opposés à l’Iran des ayatollahs à la fin des années 1970 et au début des années 1980.
Rappelons-nous cette période du 4 novembre 1979 au 20 janvier 1981, qui vit survenir une prise d’otages au sein de l’ambassade des USA à Téhéran. Pendant plusieurs mois, 56 diplomates et civils américains furent retenus par des étudiants iraniens. L’élément déclencheur de cette « déclaration de guerre » avait été l’hospitalisation, le 22 octobre 1979, à New-York, du Shah Mohammad Reza Pahlavi, en exil à la suite de la révolution iranienne. L’ayatollah Khomeini demandait alors l’extradition du Shah d’Iran afin qu’il soit jugé dans son pays, contre la libération des otages américains.
Lors de cette grave crise internationale, le président Carter devait rompre les relations diplomatiques entre les deux pays. Il autorisa même une opération militaire, l’opération Eagle Claw, qui déboucha sur un désastre provoquant la mort de 8 militaires américains. Cette crise s’acheva par l’accord d’Alger, qui permis la libération des otages le 20 janvier 1981, contre le dégel des avoirs iraniens et la promesse qu’aucune poursuite judiciaire ne serait lancée contre les autorités iraniennes. Mais l’Amérique n’a jamais « digéré » cette humiliation.
C’est dans ce contexte qu’il convient de lire les relations actuelles entre les Etats-Unis et l’Iran. Déjà face à face au Yémen par belligérants interposés, l’escalade que l’on observe aujourd’hui entre les deux pays pourrait rapidement déboucher sur un nouveau conflit direct dans cette région du globe. Par ailleurs, l’Arabie Saoudite, alliée des États-Unis, et actuellement engagée dans le conflit yéménite au côté d’une large coalition, pourrait saisir cette occasion pour tenter de s’imposer définitivement dans la péninsule arabique.
La guerre qui sévit au Yémen depuis plusieurs années maintenant, met en présence les rebelles chiites Houthis, du nom de leur chef de clan Hussein Badreddine al-Houthi face au gouvernement d’Abdrabbo Mansour Hadi. Mais c’est en 2015 que ce conflit s’est internationalisé, avec la constitution d’une force militaire incluant une dizaine de pays arabes, mais aussi quelques pays africains à l’image du Soudan et du Maroc. Aujourd’hui, la situation militaire sur le sol yéménite semble plus ou moins figée. En revanche, y sévit une crise humanitaire d’une ampleur rarement atteinte, qui voit des dizaines de civils et, notamment, de très nombreux enfants mourir chaque jour des suites de ce conflit.
Paysage de désolation au Yemen
Reste à savoir quelles positions adopteront, dans la durée, les autres nations concernées par cette guerre et, en particulier, la Russie. Cette dernière, pour la première fois, a imposé le 26 février dernier son veto au Conseil de sécurité de l’ONU, pour bloquer une résolution présentée par la Grande-Bretagne et soutenue par les USA et la France. Celle-ci renouvelait l’embargo sur les armes en vigueur depuis 2015 au Yémen, et condamnait l’Iran pour l’avoir initialement violé. Cette attitude de Vladimir Poutine face au bellicisme de Donald Trump, atteste bien de l’impasse dans laquelle se trouve désormais les deux super-puissances en matière d’influence mondiale.
Dans ce contexte, si les actions officielles de l’Union européenne au Yémen se résument essentiellement à de l’aide humanitaire, certains pays à l’image de la France se distingue en tenant un double discours difficilement tenable. En effet, à l’instar de la Grande-Bretagne et des États-Unis, la France livre actuellement des armes à l’Arabie saoudite, laquelle ne se prive pas de les utiliser dans le cadre de ce conflit. Et ce ne sont pas les dénégations de la ministre des Armées, Florence Parly, selon laquelle ces équipements ne seraient pas utilisés contre les civils, qui seront de nature à rassurer ceux de nos concitoyens qui considèrent qu’une fois encore la France est emmenée, même indirectement, dans une guerre où elle n’a rien à faire.
Tout ceci tient au fait que depuis le traité de Maastrich, tous les pays membres de l’Union européenne, y compris les pays neutres, ont placé leur défense sous la suzeraineté de l’OTAN, laquelle est exclusivement dirigée par les Etats-Unis. Et il n’échappe à personne que depuis quelques années, principalement depuis le début de la présidence de Donald Trump, la pression qui vient d’outre atlantique devient particulièrement insupportable.
Cette situation, jamais abordée lors des débats préparatoires aux prochaines élections européennes, atteste bien de ce que l’UE, dont la construction fût dès l’origine commanditée par Washington, est, reste et restera un outil au seul service de la super puissance américaine. L’indépendance de nos nations est donc bien le véritable enjeu de cette prochaine élection. Sans doute la dernière occasion d’affirmer notre volonté, ou non, de rester des pays libres.
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