« Tout est changement, non pour ne plus être mais pour devenir ce qui n’est pas encore »
Épictète, philosophe Grec.
Qu’il n’en déplaise à bien des conservateurs aux formalismes assurément isolationnistes, l’univers des professions règlementées à l’instar des métiers du Droit et du Chiffre, dans toutes ses composantes, s’avère en mutation chronique. Mépriser à l’heure actuelle l’étendue des bouleversements qui façonnent un quotidien qui s’impose de plein droit, ou ne serait-ce que tenter de le contourner, serait, sans doute aucun, une façon irréfragable de se condamner à le subir bien plus brutalement à l’avenir. Sommes-nous véritablement témoins d’un dénouement heureux des querelles de chapelles ?
Des décennies entières que ces pans d’activités se livrent un combat sans merci : mais quel en est le sens ou encore même la portée ? N’en est-il pas plus clairvoyant de supplanter les oppositions afin de surmonter toute sorte de conservatisme pernicieux à tout progrès.
Finalement, soyons lucides l’espace d’un instant : ces métiers ont, à l’évidence, partagé bien plus de choses que certains ne peuvent le présager une seule seconde ! Bien qu’en lutte permanente, ces deux corps de « métiers-passions », ont toujours été animé par des valeurs communes.
Déontologie, indépendance, liberté, confraternité ; autant de principes qui fondent de façon souveraine le corps intangible desdites professions. Ces derniers en formeraient dès lors un socle incontesté et incontestable du destin uni, épanoui et durable d’un mariage de raison tant attendu !
Néanmoins, la jonction entre incompréhension, désillusion, émotion et tant d’autres sentiments si dépréciatifs s’est installée sur un terme plus ou plus long, bien trop pour certains, non suffisamment pour d’autres…
Comment expliquer cette tendance systématique vers ce qui n’est pas ? L’homme est bien connu pour être un éternel insatisfait mais le temps est salutaire et a su dignement faire son œuvre.
Au lendemain de l’une des plus grandes crises économiques et financières de notre siècle, nul besoin de s’étendre sur le fait que la confiance de tout professionnel n’en est malheureusement pas ressortie indemne et même, sévèrement altérée. En effet, les attentes des entreprises ont catégoriquement changé : chacune d’entre elle recherche désormais davantage de fiabilité, de transparence et de garantie, quel que soit la relation qu’elle envisage d’entretenir avec ses interlocuteurs.
Tout en est question ici de bon sens, mais aussi d’agilité.
La révolution numérique, un bouleversement, un chamboulement, bien plus encore, un véritable big bang ! … (nouvelles technologies, nouveaux usages, nouveaux pans d’activités ... autant de sujets enivrants, absolument inexhaustibles dont il saurait à ce stade évidemment impensable, voire bien trop audacieux, d’émettre des avis prédéfinis) témoignant une fin incontestée du cloisonnement des services, ouvre, de fait, pleine voie au travail collaboratif de ces deux mondes, que tout semblait, pourtant à l’origine, clairement opposer.
Confrontés ainsi de plein fouet à un univers en transformation permanente, et dans le cadre d’un changement continu de la législation, la stabilité propre aux métiers d’experts-comptables, avocats, commissaires-priseurs judiciaires, notaires, huissiers de justice, conseils en propriété intellectuelle, administrateurs et mandataires judiciaire semblait donc avoir atteint une certaine limite.
Mais la question se pose alors de façon relativement confuse : jusqu’où regrouper le droit et le chiffre ?
Une réponse très claire a été enfin portée à l’image d’une fusion effective desdits professionnels au sein d’une même structure juridique, savoir, la société pluri-professionnelle d’exercice, à l’aune de l’ordonnance en date du 31 mars 20161 prise en application de la loi Macron.
Le mariage du droit et du chiffre, par l’intermédiaire de cette nouvelle société avant-gardiste et audacieuse, est bel et bien est en marche ! … De quoi pleinement contempler la jeune génération de ces professions réglementées qui mesurent profondément la visibilité intrinsèquement associée à l’inter-professionnalité impulsée par la loi Macron de 2015.
Si l’idée semble immanquablement vertueuse, la notion même de changement est la source de barrières purement psychologiques, et il s’entend.
En effet, la stabilité, toujours si rassurante devrait-elle prendre le pas sur l’inquiétant progrès, qui fait pourtant toute la magie de l’intelligence humaine ? Le changement effraie certes… néanmoins, il ne doit pas faire fi de nos capacités et encore moins de la volonté qui subsiste en chacun d’en chacun d’entre nous à progresser tout au long de notre vie.
Dans un contexte actuel de concurrence toujours plus impitoyable, de judiciarisation de la vie des affaires sans précédent, cet outil constitue indubitablement un moyen de casser les frontières professionnelles et de répondre à un besoin imminent exprimé par le marché.
La mutualisation des charges et des services, très en vogue en ce moment, apparaît explicitement comme l’opportunité incontestée d’offrir une gamme de services absolument complète à une clientèle de plus en plus sourcilleuse, car, de toute évidence… les habitudes des consommateurs se sont également vues bousculées !
Résolument, cette révolution en serait-elle, presque absolue !
L’atout, à l’exemple de cette société novatrice, se révèle non négligeable, voire des plus salutaires à l’affront implacable d’un phénomène d’ubérisation qui ne cesse d’ébranler en continu nos métiers du conseil juridique et comptable.
Sans contredit, face à pléthore d’offres dématérialisées et personnalisées toujours plus surprenantes les unes que les autres, l’entrepreneur ne se verra aucunement noyer dans un océan de propositions et de prestataires à en prendre vue.
Bien entendu, nulle crainte d’aborder de tels faits circonstanciels sans ambages: quel privilège, quel gain de temps pour le client !
La proposition est brillante, plus grande encore, prospère pour le professionnel car il est question de présenter une offre tout à fait renouvelée de services à la fois complémentaires et structurés, et ce, dans un seul et unique dessein : la satisfaction- client.
C’est donc à l’intérêt de tout un chacun. Expliquons-nous de façon un peu plus réflexive mais au final manifestement, pragmatique : qui n’a ou n’aura jamais besoin des services bienveillants et précieux d’un avocat ? d’un notaire ? d’un expert-comptable ?
Au sein d’une société où l’entraide, la fraternité, la solidarité doivent demeurer nos principales aspirations pour aller de l’avant mais surtout tendre au bonheur ; défiance est conséquemment donnée à bien nombre d’entre nous de ne jamais avoir une seule fois, au cours de sa vie, eu recours à de telles complaisances.
Une palette globale de services variés dans un endroit unique serait-ce, somme toute, la clé pour nous simplifier le quotidien ?
De grâce ?! Avez -vous à ce stade encore une once de doute ?
Nul scepticisme sur le fait que nous sommes bel et bien aux prémices du prompt développement de nos professions règlementées jusqu’à présent caractérisées par une implacable stabilité !
De surcroit, en réunissant dans une même structure un panel de compétences hautement élargi, la possibilité s’avère aisément ouverte de concurrencer les entreprises étrangères. L’affaire portée n’est ni plus ni moins qu’une simple relation de cause à effet. Raisonnons très méthodiquement : de l’hypothèse la plus cartésienne soit-elle nous faisant partir d’un postulat de départ où « tout le monde paie un peu » … la logique veut que la conclusion mette en exergue le « chacun paie moins » !
Digne et fastueuse place sera alors laissée à la performance d’un travail de service non seulement à la personne mais également aux entreprises.
Ce raisonnement nous amène de facto à s’interroger sur un fait majeur : la lumière est clairement faite sur la préoccupation de toujours mieux assouvir les besoins de ses clients, mais qu’en est-il véritablement de l’aspect purement financier ?
« L’union fait la force » ; cette expression prend ici tout son sens. En additionnant les activités et en se regroupant, la puissance financière, communicative et stratégique des professionnels va tendre à se multiplier à vitesse grand V.
A cet effet, l’objectif est de rendre possible les économies d’échelles et d’effet d’expérience au plein cœur d’un environnement pleinement garant des prérogatives de chacune des professions.
La synergie des coûts est donc une grande clé de développement. Le dessein est à la fois clair, rationnel et consiste, en définitive, à répartir les coûts fixes sur des volumes s’avérant beaucoup trop conséquents.
Cependant, nous pouvons relater nombre des bienfaits d’une telle structure, la contestation est une habitude typiquement française … (une touche de charme intrinsèquement liée à notre entité nationale que l’on ne nous ôtera pas !), et tout naturellement : cette nouvelle SPE1 n’y coupera pas !
De prime abord, la barrière serait essentiellement psychologique : question phare pour ces professions de mettre son égo de côté … très loin d’être chose commode lorsque l’on a fait de son métier sa passion ou bien même pour certains l’essence même de toute sa vie !
De surcroit, le clivage notoire entre deux ces sphères professionnelles, nettement alimenté par un grand nombre d’a priori, constitue sans aucun doute un obstacle de taille à une collaboration efficace, voire efficiente. Pourquoi donc s’en blâmer ?
Il sera aisé de reconnaitre que chacun d’entre nous se fait une image bien ancrée, d’une part, de nos professionnels du Droit : de grands intellos ayant réponse à tout, légèrement arrogants, toujours bien habillés, de temps à autre à l’allure des plus hautaines, relativement fermés d’esprit, en substance les personnes communément appelées « de la haute » dont le prestige, s’il provoque une certaine admiration, en agace aussi plus d’un !
Et l’autre pendant, nous amène vers une image, littéralement floutée et amplement faussée des professionnels du chiffre caractérisé par le grand business man ou le big boss, toujours correctement vêtu de son sempiternel costard cravate, totalement obnubilé par le besoin irrépressible de faire toujours plus de chiffre : encore et encore, coûte que coûte !
Baliverne ! Foutaise !
Sortons, autant que faire se peut, de tous ces préjugés. A l’évidence, ces derniers sont directement liés à de fausses croyances populaires qui pourraient basculer plus vite que l’on n’ose l’imaginer vers des comportements haineux à l’égard de personnes injustement stigmatisées en raison de leur catégorie socio-professionnelle. Poussant le raisonnement à son paroxysme, à vigueur de se répéter ces stéréotypes sans intérêt, il est très commode de finir par l’assimiler et d’y croire… piètre nature de l’homme ! Nous sommes bien au-dessus de cela !
La collaboration au sein de la structure sera puissante, fructueuse et réussie si et seulement chacun s’honore et donne de la valeur aux autres quand bien même coexistent des désaccords. Il sera bien aussi important de se respecter soi-même en tant que personne, ce qui posera ostensiblement les jalons afin de se respecter mutuellement.
Notre existence repose foncièrement sur la recherche immuable d’équilibre et de complémentarité ; si les différences sont trop marquées, ne prendront-elles pas le pas sur l’effort collectif ?
La réponse s’en avère affirmativement péremptoire !
Outre cette rafale de préjugés ineptes qui peut légitimement constituer un frein légitime à la constitution d’une société pluri professionnelle viable et pérenne, les obstacles spécifiques aux professions réglementées sont notables.
La souveraineté des grands principes déontologiques inhérents aux univers professionnels concernées, à l’instar principalement du secret professionnel et de l’indépendance relèvent indubitablement l’existence de bien des failles !
Comment explicitement être sûr qu’une profession ne dominera pas l’autre ? Que chacun se limitera exclusivement à ses compétences sans empiéter sur le domaine de l’autre ? Le frein évoqué à cet effet par les grands gardiens de la preuve et de l’exécution des décisions de justice en constitue assurément la perte avérée d’indépendance au même titre qu’un risque très soutenu d’instrumentalisation !
Autant dire que les sujets sont abondants, instructifs, passionnants, mais tellement sensibles ! … Immanquablement délicats dans le sens qu’ils se doivent, non seulement par nécessité mais également par perpétuité, être abordés sous une approche fondamentalement garante des règles déontologiques de chacune des professions.
Tels sont les freins et oppositions majeurs qui viennent éminemment contrebalancer une initiative sociétale qui présente pourtant la plus grande audace et qui marque un tournant décisif dans l’univers du Droit des sociétés.
Cependant, plutôt que de le percevoir comme une contrainte, nous devrions aborder le changement comme un véritable état d’esprit, car, à l’évidence, la peur de changer, quel que soit la route que nous décidons de prendre, nous pousse sans conteste à l’inaction.
Bien sûr, la peur du changement nous effraie tous, et il s’entend.
Mais, à la lecture des justes paroles de Charles F. Kettering, nous faisant part que « Le monde déteste le changement, c’est pourtant la seule chose qui lui a permis de progresser » : nous ne pouvons que comprendre qu’il faut être courageux. Courageux pour aller de l’avant, courageux pour permettre le progrès, courageux pour délaisser sa fierté, courageux tout simplement, pour changer.
A-C. K.
NOTES
1 L’ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016 organise l'exercice en commun des professions du droit et du chiffre au sein des sociétés pluri-professionnelles d'exercice.
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