AOÛT-SEPTEMBRE 2019

Chronique d’une ballade en Russie

par Roland PIETRINI


En Russie, j’ai vogué sur les 1770 km de rivières, lacs et canaux de Saint-Pétersbourg à Moscou, rien d’exceptionnel, je reviens sain et sauf, même pas peur !
Rendez-vous compte, je n’ai croisé aucune horde barbare, aucun ours à la lèvre pendante, je n’ai pas entendu la hurlerie du loup de la taïga, à peine ai-je aperçu le vol de quelques rapaces.
J’avoue avoir regardé vainement derrière moi pour détecter les agents du FSB, moi qui possède un dossier conséquent dans les archives du KGB, de la Stasi et de la Służba Bezpieczeństwa (SB) polonaise. D’ailleurs, je n’ai eu aucun problème au passage de la police des frontières à l’entrée pas plus qu’à la sortie. Une déception en fait, je m’attendais à subir un long interrogatoire, que nenni, je ressors libre.
Pire encore, à aucun moment je ne me suis senti en danger, ni dans le métro de Moscou, magnifique, stalinien et très propre, avec une présence policière et d’employés au service de la sécurité des gens et répondant à votre sourire, pas d ’agression de pseudos musiciens dans les rames, pas de clochards visibles dans les rues.
J’ai même pu acheter du chocolat et boire une bière au café Pouchkine et visiter les églises et les musées au hasard des étapes.
Bref, me voilà ravi de mon séjour, moi qui n’avait pas remis les pieds depuis un bref voyage, il y a dix ans à Sotchi et qui n’avait eu du Russe que le contact bref mais néanmoins viril de quelques arrestations en RDA, de quelques frictions en Pologne avant la chute du mur de Berlin, à l’époque où des mauvaises langues me classaient dans la catégorie des espions.
J’ai donc échappé au goulag, mais me diriez-vous, serais-je tomber dans l’idolâtrie d’un pays qui m’a offert les plus belles années de ma carrière, mais qui donnerait l’illusion aujourd’hui d’une société idéale ?
Ce pays ayant raté la porte du paradis soviétique aurait-il découvert celle du paradis capitaliste ?
Rassurez-vous, j’ai pris la peine de discuter lors de nos rencontres, une bonne dizaine de fois, avec de vrais russes, plutôt des femmes d’ailleurs, elles ont l’avantage de parler souvent avec plus de franchise que les hommes et sont plus en contact avec la réalité du quotidien.
Premier constat : la théorie du genre et autre faribolerie n’a pas lieu d’être en Russie. On élève les filles comme des filles, ce qui n’est nullement un obstacle pour leur autonomie et leur éducation, celles que j’ai croisée sont souvent jolies (très) et parfaitement instruites et souriantes, ce qui n’enlève nullement au garçon, élevé comme un garçon, le privilège de se croire supérieur, ce qui est une illusion habilement entretenue par les premières au détriment des seconds. Second constat : après la catastrophe de la période Boris Eltsine, où se sont développé les mafias, l’insécurité, le crime organisé et la corruption, Poutine a remis un ordre salutaire dans ce pays qui avait perdu tout repère. Vladimir a rendu l’honneur à ce pays, en s’appuyant sur deux piliers venant du fond des âges, la religion et le patriotisme, qui là-bas n’est pas un gros mot.
Par contraste, ce que nous vivons en Europe et singulièrement en France, est symptomatique d’un effondrement de nos valeurs, car nous, les donneurs de leçons, avons définitivement perdu tout sens des réalités et nous bradons allègrement notre culture au profit d’un pseudo- multiculturalisme, qui demande d’accepter en raison d’une tolérance imbécile un bouleversement en profondeur de notre société, ce qui revient à accepter sur notre sol ce qui ailleurs serait inacceptable.
Troisième constat : pardon pour ce truisme, ce pays est immense, son histoire est millénaire, sa culture est profonde. Les religions monothéistes peuvent s’y développer sans se perturber et sans imposer aux autres leurs codes et leurs obligations, ce qui est impossible chez nous. En Russie les minorités ne dictent pas les règles aux majorités, et si celles-ci parfois sont réprimées, ce qui n’est pas le cas en France où se sont les mouvements extrémistes et sectaires qui imposent progressivement leurs dogmes, c'est dans le but de sauver l'essentiel. 
Quatrième constat : on ne traite pas de fachos les citoyens conscients de la nécessité de défendre leur culture. Les deux guerres patriotiques, celle de 1812 et celle de 1941 à 1945 ont profondément ancré le patriotisme comme une valeur et soudé un peuple. Les nôtres ont fracturé notre société.
Cinquième constat : le système éducatif fonctionne bien et ose prononcer le nom de sélection. L’enseignement des langues est remarquable, il est stupéfiant de voir avec quelle aisance s’exprime des jeunes étudiants de 20 ans à peine, dans notre langue et qui n’ont jamais mis un pied dans notre pays. Il faudrait proposer à nos éducateurs de s’en inspirer, ce qui permettrait peut-être, à nos jeunes de banlieue et d’ailleurs issus d’une immigration de 2° à 3° génération, de parler autrement que dans un sabir algéro- franco- stupido qui ferait se retourner dans leurs tombes les instituteurs du XIX° siècle.
Alors, me direz-vous, puisque j’ai voyagé dans un pays idéal, serais-je donc prêt à faire mes valises pour m’y installer ? En fait, pour en avoir dit tant de bien, je manquerais d’objectivité si je ne dénonçais pas quelques plages de progrès encore à faire et quelques constats de difficultés actuelles et à venir.
Sixième constat : le système de santé est à deux vitesses. Les pauvres, c’est-à-dire ceux qui se situent en-dessous du salaire moyen de 472.44 €, ne peuvent avoir accès qu’au système de santé d’état, contrairement aux plus riches qui peuvent se faire soigner dans le secteur privé, assez cher, bien organisé, sans attente… Cela ne vous rappelle-t-il pas quelque chose en France, où les services d’urgence sont saturés faute de médecine de ville et où on ferme des maternités ?
Scène champêtre

Septième constat : avec un salaire moyen de 472,44 € soit environ 34000 roubles. Ce salaire moyen comme son nom l’indique est une moyenne et varie en fonction de la région, par exemple à Irkoutsk, il est de 380,64€, à Moscou de 924,44€, à Saint-Pétersbourg de 600,25€. Or, le coût de la vie est variable, à Moscou j’ai constaté qu’il était assez proche d’une ville de province en France, mais je laisse aux lecteurs habitant en Russie de rectifier ou de compléter cette réflexion.
Huitième constat : la société semble extrêmement inégalitaire et plus capitaliste que nous la vivons. A Moscou, comme à Saint-Pétersbourg, les voitures haut de gamme pullulent. Dans la grande banlieue au long de la Volga ou de Moskova et sur la rive de certains lacs, des datchas de luxe avec plage privée sont extrêmement nombreuses, les cruisers tout autant. Dans les petites villes, on retrouve un parc automobile bien plus modeste et même de vieilles Zhigulis (Lada) et autre UAZ 452 ou 469 provenant des stocks de l’armée.
La Russie éternelle

Neuvième constat : la police est omni présente, pas de Ninjas surprotégés, des flics quoi, dans le métro, aux carrefours comme ailleurs, mais présents partout, sans ostentation.
Quant aux manifestations, celle non autorisée de samedi dernier, à ma connaissance c’est environ 1000 et non 1400 personnes (comme cela a été écrit dans nos médias), qui ont été arrêtées, la foule a été maintenue au contact, sans flashball, sans grenades lacrymogènes… Et personne n’est tombé dans la Moskova. Toute allusion à des événements style gilets jaunes et autre fête de la musique n’étant que fortuite.
En conclusion et nonobstant, tout avis et opinion qui seraient contraires, je recommanderais à nos gouvernants de se mêler plus sérieusement de nos problèmes avant de se mêler de ceux des autres…
Finalement, j’ose le dire, si demain je devais quitter la France poursuivi par une horde de barbus, je me sentirais réellement plus en sécurité en restant sur notre continent auprès de nos amis russes que de prendre le risque de traverser l’Atlantique. Parfois j’ai le mal de mer…

R.P.

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