AOÛT - SEPTEMBRE 2020

Biélorussie : Loukachenlo résiste et annonce le soutien de la Russie

par Karine BECHET-GOLOVKO


Les révolutions sont un phénomène à la fois anti-démocratique et anti-politique. Anti-démocratique, car elles doivent permettre à une minorité de prendre le pouvoir contre une majorité. Et anti-politique, car, en conséquence de ce qui vient d'être écrit, elles impliquent obligatoirement le recours à la rue et à la force, en contournant les mécanismes politiques prévus de passation du pouvoir. La tentative de révolution en Biélorussie n'échappe pas à la règle. Mais elle intervient après le Maïdan ukrainien, les recettes ne prennent plus aussi facilement et la Russie a enfin exprimé sa position officielle, en soutien à Loukachenko.
Nous avions détaillé la préparation et la mise en scène de la rue dans notre texte précédent 1, la rue, cet élément fondamental qui doit permettre de contourner les urnes. C'est dans cette logique que la porte-parole2 de la candidate d'opposition, déjà en fuite, Svetlana Tikhanovskaya, a déclaré à la radio russe Les Echos de Moscou qu'ils ne demandent ni un recompte des voix, ni un deuxième tour.
C'est surprenant ... Si tout le peuple biélorusse a voté contre Loukachenko pour elle et qu'ainsi elle a perdu les élections, du coup truquée, pourquoi pas ne pas demander un recompte ? Car, si tout le peuple biélorusse a voté pour elle, il doit bien en rester des traces ... Soit, les traces ont été effacées ... Alors pourquoi ne pas demander un deuxième tour ? Sous le feu des projecteurs occidentaux, elle devrait être certaine de gagner ... Si tout le peuple biélorusse en a assez de Loukachenko et la soutient ... paraît-il ... A moins que justement, majoritairement, ces électeurs ne l'aient pas soutenu tant que ça et qu'elle est certaine de perdre dans les urnes. 
D'où l'importance de la rue, pour donner une illusion de masse. Il y a en 2020 en Biélorussie, 6 844 932 électeurs3 pour une population de près de 9,5 millions de personnes. Même s'il y a eu plusieurs milliers de manifestants dans les rues, nous sommes très très loin de "tout le peuple biélorusse", qui tourne en boucle dans les médias main stream. Ainsi, la seule légitimité de cette opposition, qui doit compenser son déficit de légalité à gouverner, est purement ... médiatique.
Une manifestante brandit l'ancien drapeau de la Biélorussie indépendante lors d'une manifestation contre le président Alexandre Loukachenko à Minsk, le 14 août 2020. (SERGEI GAPON / AFP)

Ensuite, les leçons du Maïdan ont été tirées. Principalement, trois. La première, qui provoque l'ire des Occidentaux, ire répercutée docilement par les médias "indépendants" donc alignés, est que les forces de l'ordre doivent intervenir immédiatement, pour ne pas laisser la situation pourrir et prendre les proportions que l'on a vues à Kiev. Et le fait que la petite Biélorussie tienne tête et tienne son pays face au monde global, qui a le monopole du cœur (qui parle encore de l'esprit ?) déstabilise l'ordre des choses - tel que voulu.
La seconde leçon est de refuser les intermédiaires occidentaux dans d'éventuelles négociations avec l'opposition. En principe, ces négociations sont inutiles, car il ne peut y avoir de compromis : ceux qui ont perdu veulent le pouvoir sans prendre le risque électoral, soit on leur laisse le pouvoir, soit on ne leur laisse pas. Quel compromis ? L'UE4 a proposé son aide pour entrer en contact avec l'opposition, autrement dit pour conduire Loukachenko vers la sortie, puisque c'est la seule position acceptable pour le monde global. Comme ce fut le cas avec la trahison de Yanukovitch en Ukraine. Loukachenko5 a refusé a priori tout intermédiaire et refuse tout contact avec un « Gouvernement en exil » qui est annoncé en dehors des frontières biélorusses, puisqu'il existe un Gouvernement légitime prévu par la Constitution.
La troisième leçon a été tirée par la Russie, qui après quelques jours de silence pesant et d'emballement politico-médiatique malgré les félicitations présentées par Poutine à Loukachenko, a précisé sa position officielle lors d'un appel6 téléphonique entre les deux Présidents qui ensemble ont déclaré être certains que la situation sera prochainement réglée et tout faire pour que les forces destructrices n'utilisent pas ces mouvements pour porter atteinte à la coopération entre la Russie et la Biélorussie. La Russie a non seulement condamné les manifestations, mais selon Loukachenko7, Poutine a promis son aide pour garantir la sécurité nationale si cela se trouve être nécessaire. 
Sur le front médiatique, nous avons parlé du rôle joué par le média Nexta8, basé en Pologne, dans la construction médiatique et l'organisation des mouvements de foule en Biélorussie. Il y a deux jours, le ministère de l'Intérieur biélorusse a ouvert une enquête pénale contre son fondateur Stepan Putilo9 pour organisation de mouvement de masse. Hier, la Russie a officiellement lancé un mandat d'arrêt contre lui. 

K. B-G.

NOTES ET RÉFÉRENCES

1. https://russiepolitics.blogspot.com/2020/08/les-manifestations-en-bielorussie-les.html
2. https://ukraina.ru/news/20200815/1028573849.html
3. https://sputnik.by/elections2020/20200728/1045268295/Vybory-prezidenta-chislo-izbirateley-za-pyat-let-snizilos-na-150-tysyach.html
4. https://regnum.ru/news/3037371
5. https://www.interfax.ru/world/721903
6. https://www.rbc.ru/politics/15/08/2020/5f37b6d19a7947ddcdd424d5
7. https://www.kommersant.ru/doc/4457464?utm_source=twitter.com&utm_medium=social&utm_campaign=amplifr_social#id1932303
8. https://russiepolitics.blogspot.com/2020/08/les-manifestations-en-bielorussie-les.html
9. également connu sous le nom de Stepan Svetlov

Partager cette page

S'abonner à « Méthode »


Saisissez votre adresse mail dans l'espace ci-dessous : c'est gratuit et sans engagement

Nous contacter