Aujourd'hui Donetsk fête ses 150 années d'existence, et la fête de cette ville minière est dans une fusion intime quasi sacrée associée à la fête du mineur qui incarne plus que quiconque l'esprit de ce peuple des terrils et des cheminées.
La vie dans ces mines de charbons dont beaucoup de galeries descendent à plus de 1000 mètre de profondeur (les plus profondes d'Europe) a forgé les mentalités de cette population héroïque du Donbass, tant celles de ces gueules noires risquant quotidiennement leur vie et minant leur santé dans le royaume d'Hadès que celles de ceux vivant en surface, des femmes et des enfants les attendant en priant, des agriculteurs labourant à l'ombre des terrils ou de tous les services privés et publics gravitant autour de cette économie principale de la région.
Ce rapport à la souffrance, aux malheurs du charbon a sans nul doute forgé cette capacité de résilience des femmes et des hommes du Donbass mais aussi renforcé ce rapport charnel à cette terre façonnée par le sang la sueur et les larmes de tant de générations héritières de surcroit d'un esprit et de traditions cosaques...
150 années d'Histoire pour cette ville fondée en 1869 par le gallois 1869, John Hughes qui y construit la première usine métallurgique. 150 années d'épanouissement industriel et sociétal mais aussi de tempêtes de l'Histoire, de la Révolution bolchévique, la guerre civile la famine, les guerres mondiales l'effondrement de l'URSS et maintenant une nouvelle guerre déclenchée par l'Ouest contre le monde russe dont le Donbass a toujours revendiqué appartenir.
Malgré la guerre et les territoires occupés par l'armée ukrainienne, il reste encore 18 grandes mines en activité dans la République Populaire de Donetsk et qui sont toujours le cœur de son économie. Malgré la guerre et l'effondrement économique consécutif, les mines progressent dans une production qui depuis l'indépendance a atteint les 42 millions de tonnes de charbon !
La mine est un monde à part, dans ces boyaux surchauffés ont été forgées des nombreuses légendes anciennes européennes et une race d'hommes hors du commun dont le courage n'a d'égal que leur humilité et leur fidélité aux traditions de leur communauté. Regardez cette vidéo qui se passe de commentaires mais vous transporte dans un lieu hors du temps et de l'espace.
Loin de moi la prétention de connaitre ce monde sous le Monde, je ne suis descendu qu'une seule fois pendant 2 heures à 500 mètres de profondeur et sans y travailler, « en touriste », mais en revanche je pense pouvoir parler de ces hommes d'acier dont beaucoup sont la charpente des milices républicaines depuis les premières manifestations anti maïdan de 2014.
Aujourd'hui je reconnais les « gueules noires » qui ont troqué leurs bleus de travail pour un uniforme. Leurs regards sont toujours attentifs, leurs gestes précis et lourds et leurs paroles vont à l'essentiel d'une conversation nécessaire épurée, jamais ils ne montrent un signe de fatigue ou de lassitude, leur mental semblent fait du même acier que leurs outils.
Dans les tranchées ils restent calmes même au plus fort d'un bombardement. Les jeunes autour d'eux n'ont pas besoin d'ordres, ils n'ont qu'à les suivre. La tranchée a remplacé la galerie et les obus les coups de grisou, mais il y a toujours les pelles qui dansent avec les plaisanteries dans une fraternité d'armes exceptionnelle que cinq années de guerre de tranchées, de guerre d'attrition n'ont pas réussi à entamer.
J'aime ces gens, ouvriers, marins et paysans, que les bourgeois ventrus, aux mains propres mais à l'âme sale, appellent le « petit peuple », pour tenter de cacher que ce sont justement eux qui sont dépositaires de la grande noblesse de leur peuple et nous offrent quotidiennement et en silence les plus beaux exemples de courage et de fidélité.
Et dans le Donbass, ces ouvriers mineurs sont bien plus que les bras du pays...
... ils sont la mémoire, le cœur et les gardiens du sanctuaire !
E.C.
Depuis la production de ce reportage, notre ami Erwan Castel a été grièvement blessé par un engin explosif lors d'une mission sur le front sud de la DNR. Il se trouve aujourd’hui toujours aux soins intensifs où les médecins continuent de lutter pour conserver son bras gauche. Toute l’équipe de rédaction de Méthode lui adresse tous ses vœux de prompt rétablissement.
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