NOVEMBRE 2018

La nouvelle émergence de la Russie

par Ali RASTBEEN


Les événements historiques des dernières années du XXe siècle sont marqués par la disparition du système socialiste en Union soviétique.
Depuis le début du 21ème siècle, la Russie constitue le principal défi à l’Eu­rope et des Etats-Unis.
La victoire sans guerre des Etats-Unis, à la tête de l’OTAN et de l’Occident, contre l’Union des républiques socialistes soviétiques et dont la reddition fut préparée par Washington, Londres, l’Allemagne et la France et si­gnée par Gorbatchev, fut le début de ce défi.
Par la chute du pacte de Varsovie, la principale préoccupation de l’Occident consistait à remplir le vide du pouvoir avec l’aide d’anciens transfuges.
Un groupe composé d’opposants à la Russie alliés des Américains, s’est substitué aux anciens régimes communistes, créant une ligne de démarcation entre la Russie fédérative et les principaux membres de l’OTAN.
La violence guerrière de l’OTAN en vue de détruire la Yougoslavie était plus flagrante qu’à l’égard d’autres pays d’Europe de l’Est, sous couvert de propagandes ethniques et religieuses, de 1990 à 2005.
L’intervention de l’OTAN en Serbie a provoqué des crimes qu’il serait dérisoire de qualifier de crimes contre l’huma­nité, notamment par l’utilisation de missiles doté d’uranium appauvri au Kosovo.
Suite à cette guerre ciblée, le mot « balkanisation » a retrouvé sa place dans la littérature politique dans le sens de désintégrer un pays.
Cette expression a été utilisée comme modèle pour le projet stratégique de la création du « Grand Moyen-Orient » sur un territoire aussi vaste que le califat des Abbassides, et dont les prémisses ont été l’attaque en Irak par l’armée américaine.
Pour compléter, l’installation du système néocolonial commencé par l’instaura­tion des États indépendants dans les colonies asiatiques et africaines, l’OTAN de­vait régler ses problèmes avec la Fédération de Russie et la Chine en particulier dans les territoires du centre et de l’ouest de l’Asie, où sont apparues les nouvelles républiques issues de la désintégration de l’Union soviétique, qui attisaient l’appétit des néo-conservateurs en Occident.
La politique extérieure de la Russie a deux priorités : la défense de ses intérêts économiques, et le maintien dans son orbite des États issus de l’Union soviétique.
La Russie entend préserver, avec des moyens économiques et militaires limités, son statut de puissance mondiale.
Ce statut provient de sa qualité de membre permanent du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies, ce qui lui permet d’aborder tous les grands dossiers de politique internationale et d’être associée à leur règlement, et pour un grand nombre de crises régionales dans lesquelles sa diplomatie est engagée, que ce soit en Asie, au Moyen-Orient en Afrique ou dans les Balkans.
Le président de la Fédération de Russie sait comment mesurer et augmenter le pouvoir de la Russie au Moyen-Orient, tel un Bismarck entre les Arabes, la Turquie et Israël.
Le président russe, à l’occasion de sa tournée dans la région et après y avoir rencontré le Président Assad, a déclaré que la Russie conservera ses installations maritimes dans le port de Tartous.
Dans sa période post-déclin, la Russie avait connu des stagnations, en essayant de stabiliser son processus de politique étrangère.
De l’approche euro-atlantique, à l’euro-asiatisme, il semble que l’ère de Poutine a été une période de stabilité pour la politique étrangère russe.
Poutine est une épée experte : tout en étant fidèle à l’approche de la « tolérance stratégique » qui a caractérisé les années après la décadence, il a fait du « pragmatisme agressif » pour jouer plus efficacement.
Les experts estiment que l’époque de Poutine transforme naturellement la Russie en « grande puissance moderniste », et Poutine lui-même paraît maintenant comme Eisenhower ou Roosevelt.
Les soldats de Poutine en Syrie signalent que le déclin de Daech a commencé, le Président Assad est maintenu au pouvoir, l’armée syrienne est encore réarmée et poursuit un cessez-le-feu.
Poutine a annoncé le retrait des troupes russes de la Syrie en position de force, et se fait appeler « empereur du Moyen-Orient », ayant appris de bonnes leçons de Brejnev. De même que l’ancien président soviétique avait placé des unités Tadjik-Musulmans de l’armée soviétique à l’ouest de Kaboul, alors Poutine a également mis en place des troupes musulmanes tchétchènes pour déployer l’armée russe à Palmyre en Syrie.
Poutine a voyagé en Iran, en Turquie, en Syrie et en Égypte, réunissant les partisans d’Assad et les rebelles à une table ronde, et invitant Netanyahou et Lieberman à Moscou.
Il a ramené le Roi d’Arabie saoudite à la capitale russe, et annexé la Crimée à la Russie.
Il semble que le Kremlin est devenu le cœur du Moyen-Orient, alors que Poutine prend l’allure d’un « homme d’État international », profitant de la baisse de l’influence de l’Amérique et la colère contre la décision du Président Américain, de reconnaitre Jérusalem comme capitale d’Israël.
Poutine a donc adopté une stratégie à multiples facettes : d’une part, il a renforcé l’influence de son pays dans le sud et la Méditerranée avec l’entrée en Syrie, la vente de missiles balistique S-400 à la Turquie, d’autre part il a poussé le pays à entrer dans le circuit moscovite, et, a prévu la Turquie comme un pont entre Moscou, l’Europe et les États-Unis ; avec ses activités en Égypte, l’influence du Kremlin atteint également la Corne de l’Afrique.
Poutine, grâce à son opportunisme stratégique et à l’exploitation de la réticence américaine au Moyen Orient, renforce les liens avec les capitales, de l’époque soviétique.
Par son intervention magistrale, le Président russe a apporté stabilité et ouverture dans une région turbulente et repliée sur elle-même.
Il s’appuie sur ses immenses réserves énergétiques et refusent toute ingérence étrangère dans les affaires intérieures. Lors d’un entretien il a déclaré : « Nous assurons notre propre sécurité. Nous développons nos industries de défense et nous sommes sûrs de nous. »

A.R.

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